Lyon est le premier pôle de fabrication de bijoux en France. « Paris, est spécialisée dans la haute joaillerie, Lyon dans les bijoux de consommation », explique Roland Bernard. Une tradition vieille de 500 ans, qui est toutefois en déclin. Alors qu’on comptait entre 300 et 400 artisans entre Rhône et Saône il y a tout juste 10 ans, il n’en reste plus que 150. Le nombre de salariés a, lui, fondu des deux tiers, pour atteindre 1200 aujourd’hui. Ainsi, plus que 20% des bijoux vendus en France ne proviennent de fabrication locale, contre 50% il y a 10 ans.
Déjà durement touchée par la crise, la profession doit maintenant faire face à une multiplication de braquages, parfois avec prise d’otage. Une douzaine, compte le président du syndicat professionnel depuis fin 2009. La faute au prix de l’or qui a pris 40% en un an pour s’échanger actuellement autour de 27 000 euros le kilo, mais également au fait que la revente du métal précieux « est devenue d’une facilité déconcertante », s’opérant souvent chez des buralistes ou dans des chambres d’hôtels.
Après l’attaque de plusieurs fondeurs-affineurs, les malfaiteurs ont l’impression que « c’est facile, c’est rapide et peut rapporter gros », déplore Roland Bernard. D’après le groupe lyonnais Dufaud, leader européen de l’assurance en bijouterie, ce sont ainsi "plus de 300 kg de métal qui ont été volés ces derniers mois à Lyon", précise son directeur général, Gérard Drahy. « Nous sommes victimes du même gang très organisé et bien renseigné, avec des modes opératoires et des descriptifs physiques presque identiques. Vu le nombre de vols, on ne peut plus parler de hasard », estime l’assureur. A la police judiciaire de Lyon, on préfère parler « d’équipe à tiroirs, une bande assez informelle d’une vingtaine de personnes qui s’associent par petits groupes de trois ou quatre pour des coups ponctuels. » Une appréciation partagée par le syndicat des bijoutiers. « Ce ne sont pas des professionnels », estime son président, lui-même victime d’une attaque le 9 mars dernier. Avec ses deux fils, il a réussi à mettre les assaillants en fuite. « Nous étions préparés » se félicite le gérant d’un atelier dans le septième arrondissement. Élément tragique, lors de leur fuite, les malfaiteurs ont ouvert le feu sur un passant, grièvement touché au thorax. Alors que la police parle d’une balle perdue, Roland Bernard est sûr que les braqueurs ont visé délibérément.
Sur la Presqu’île, où on trouve des ateliers et bijouteries dans presque « chaque montée d’escalier », « la tentation est grande et tout paraît plus facile », commente le président du syndicat. Les ateliers étant mélangés aux appartements, « les braqueurs se cachent dans les escaliers. » Selon lui, ils s’attendent à trouver des lingots derrière chaque porte. « C’est totalement faux », s’écrie Roland Bernard. Selon lui, un atelier renferme tout au plus quelques grammes à quelques kilos d’or, éclatés sur des milliers de pièces et repartis dans tout l’atelier. Pas facile à emporter, donc.
Pour se prémunir des attaques, l’installation de caméras et d’équipements de protection ne fera pas tout. Le comportement est primordial. Ainsi, les artisans vont suivre des stages proposés par la gendarmerie, pour apprendre comment se déplacer entre le domicile et l’usine, et savoir comment ouvrir et fermer les magasins en sécurité. Se décrivant volontiers comme « très naïfs », Roland Bernard explique : « nous sommes des artistes. Nous pensons à nos créations. » Son souhait : que la police mette rapidement la main sur un malfaiteur pour faire tomber toute la bande.