Assises de la prostitution

« Nous ne sommes pas des inadaptés sociaux »

Pénalisation des clients, précarisation du métier, violences, risques liés aux IST, etc. Vendredi dernier, les assises de la prostitution tentaient d’apporter une réponse aux multiples menaces qui pèsent sur cette profession. Plus que tout, le cri du cœur des différents intervenants se résumait à : « nous n’en pouvons plus d’être réduis au statut de victimes, nous sommes des travailleurs comme les autres. »

Réunis autour du STRASS (Syndicat du TRAvail Sexuel) et de l’association Cabiria, cette cinquième édition des assises de la prostitution abordait une grande variété de thèmes liés au métier. Si la vocation de cette réunion est d’être une force de proposition face aux politiques, elle s’avère aussi une manière d’échange entre travailleurs du sexe. Une façon de rompre l’isolement et de développer la solidarité entre prostitués. Une majorité de femmes, mais également des hommes, écoutaient donc attentivement les conclusions des ateliers.

Sur la prévention des maladies, tous les participants s’accordaient à dire que les prostitués restaient les meilleurs acteurs en matière de sensibilisation des clients. De manière plus générale, les assises ont conclu que les mieux placés pour former les policiers et les travailleurs sociaux en matière de prostitution étaient les travailleurs du sexe eux-mêmes. « On intervient dans la sexualité entre adultes consentants. Nous ne sommes pas des inadaptés sociaux », s’étrangle l’un des porte-parole du STRASS.

Mais ce qui inquiète le plus les participants, ce sont les conclusions de la mission parlementaire, à paraître sous peu. Tout indique que la tendance ira vers la pénalisation des clients considérés comme « prostitueurs ». Malika Maoudi du collectif Droit & Prostitution s’alarme : « on est dans une politique de l’absurde, les politiques prennent pour modèle la Suède, mais ils passent sous silence la précarisation des prostituées qui a suivi la répression des clients. »

L’autre solution, redoutée, qui pourrait sortir du rapport parlementaire, c’est la réouverture des maisons closes. « On veut nous parquer, nous faire disparaître des rues et nous mettre à la merci des directeurs de ces maisons qui pourront nous imposer des horaires et des pratiques à risque », s’emporte Karen, prostituée à Gerland « indépendante et fière de l’être ». Plus que tout, elle redoute une dérive à l’espagnole, où dit-elle « les filles deviennent des bouts de viande, elles portent des numéros. Je suis prostituée, j’en ai vu d’autres mais ce genre de chose me fait vomir. »

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Publié le : mardi 22 mars 2011, par Eve Renaudin