Le FN progresse encore

Qui sont les nouveaux électeurs du Front national ?

Présents au second tour dans onze cantons, les candidats frontistes ont tous gagné des voix par rapport au dimanche précédent. Qui sont ces électeurs ? Est-ce que le Front national a désormais droit de cité ? Un sondage BVA-Absoluce pour les Echos et France Info paru lundi matin donne un début de réponse. A la question, « estimez-vous que le Front national devrait être à présent considéré comme un parti comme les autres ? », 52% des personnes interrogées répondent oui contre 47% qui pensent le contraire.

Alors le FN dans le Rhône, un parti comme les autres ? Bien que n’ayant obtenu aucun siège, la progression en terme de nombre de votes est suffisamment significative pour être notifiée. Elle est toutefois moins importante dans les cantons où le Front national était opposé à un candidat de droite. Ainsi, les candidats frontistes ont gagné 23,52% de voix supplémentaires à Anse et 39,17% à Meyzieu.

La marge de progression face à la gauche est plus spectaculaire. Elle va de 54% à 90% de voix en plus. C’est à Saint-Priest que le candidat André Pozzi double quasiment son score, passant de 2140 à 4072 voix. Une différence qui tendrait à prouver que les électeurs de droite ne craignent plus de reporter leur suffrage sur le FN en cas d’absence de candidat UMP au second tour.

« Pas forcément », répond Yann Compan, secrétaire général adjoint de la fédération UMP du Rhône, pour qui la situation est « plus compliquée ». Selon lui, la progression frontiste est avant tout due à une erreur majeure de communication : « On a fait le jeu du FN avec la stratégie du front républicain. A force de le diaboliser, on lui donne du grain à moudre. Les électeurs ne sont pas dupes. »

Sans surprise, au FN on dresse un constat différent : « c’est un tournant, cela prouve que le vote d’adhésion est en train de se greffer au vote de protestation », se réjouit Christophe Boudot, secrétaire départemental du Rhône. Il n’a jamais douté que le FN soit un parti comme les autres : « la vraie extrême-droite, on ne la trouve quasiment plus au Front. Les collabos, les pétainistes, les nostalgiques de l’Algérie française sont soit morts, soit trop âgés. De toute façon, ce ne sont pas eux qui se présentent aux élections. »

Des propos qui font bondir Yann Compan : « Un vote d’adhésion sur la base de quel programme ? La sortie de l’euro ? J’ai un peu de mal à imaginer le FN élu là-dessus en 2012. »

A Europe-Écologie, la montée du Front national « inquiète » selon le conseiller régional Étienne Tête. « Marine Le Pen est en train de tuer le père en adoptant une stratégie politique en vue d’une alliance avec la droite », analyse-t-il. Si le FN n’est toujours pas un parti comme les autres de son point de vue, il refuse cependant « l’anathème » car dit-il : « diaboliser le FN c’est lui faire de la publicité, il faut le combattre avec de vrais arguments. »

Une opinion que ne partage pas Fabien Fourtoul, professeur de sciences politiques. Pour lui, le front républicain « reste valable. Les partis ne sont pas tenus de suivre les sondages qui conduisent à la banalisation du Front national. Cette tendance accentuée par l’arrivée de Marine Le Pen ne change rien à la nature profonde des valeurs de ce parti. » En revanche, si une partie des électeurs de droite s’est reportée sur le FN, il note qu’une majorité a dû voter pour la gauche « par sursaut républicain, sinon le Front serait passé, ce qui n’a pas été le cas. »

Une analyse partagée par Jacky Darne, le secrétaire fédéral PS du Rhône. « Un tiers des électeurs UMP vote FN au second tour, un tiers s’abstient et un tiers vote à gauche », considère-t-il. Auxquels peuvent s’ajouter les électeurs qui ne se déplacent qu’une fois. « 10% des personnes qui ont voté au second tour n’étaient pas venues au premier. »

Publié le : lundi 28 mars 2011, par Eve Renaudin