Actuellement à l’Opéra de Lyon
Ermonela Jaho incarne une Luisa Miller très émouvante dans l’opéra de Verdi créé en 1849 d’après un drame du poète allemand Schiller. Une fois de plus, la belle soprano albanaise démontre son immense talent.
Luisa est une jeune et fraîche paysanne. Elle vit seule avec son père, un ancien soldat. Luisa s’éprend et est aimée en retour d’un jeune homme, Rodolfo, le fils du potentat local, le Comte Walter. Le Comte s’oppose à ce mariage, puisqu’il rêve de l’unir à la duchesse Federica, signant ainsi son ascension sociale. En réalité, le Comte Walter a fait assassiner le père de la duchesse afin d’usurper son titre. Rodolfo, au courant de cet honteux secret, menace son père de le révéler s’il n’autorise pas son union à Luisa. Un vain stratagème, puisque l’homme de main du Comte, Wurm, épris de Luisa, va tramer un complot qui mènera le jeune couple à sa perte.
150 ans après sa création, Luisa Miller n’a rien perdu de son actualité. Si les mariages forcés se sont raréfiés dans nos sociétés occidentales, la domination des puissants sur les plus faibles reste encore hélas plus que d’actualité. L’opéra de Verdi dénonce par ailleurs l’oppression des femmes par le patriarcat. Elles ne sont finalement que de simples jouets entre les mains des hommes.
Un message souligné par la mise en scène de l’Américain David Alden, qui, dans l’un des nombreux tableaux de chœurs, donne à voir une jeune prostituée passant de mains en mains, telle une poupée de chiffon, parmi une assemblée de bourgeois en costumes trois pièces. Même le père de Luisa, – incarné par l’extraordinaire baryton Sebastian Cantana – s’inquiète des assiduités du fils du Comte auprès de sa fille : ne serait-ce pas un simple coureur de jupons ? Modèle idéal d’amour paternel, il se soucie finalement plus de son honneur que du bonheur de sa fille.
S’il y a une chose à retenir, ce sera la prestation sublime de grâce, de pureté et de virtuosité de la soprano Ermonela Jaho. Sa voix parfois, souvent, dépasse le registre humain pour se hisser au royaume des anges : point besoin d’être savant ès opéra pour être touché au plus profond de son âme. L’éclosion de son amour pour Rodolfo et les duos avec son père sont de purs moments de bonheur. Rien que pour cela Luisa Miller mérite le détour.
Notons également un Wurm (Alexey Tikhomirov) machiavélique à souhait, servi par une mise en scène subtile qui le fait ramper tel un serpent dans les jupes de la jeune fille en fleurs. Un Wurm qui n’est pas sans rappeler le Méphistophélès de Goethe, forçant Luisa à signer un pacte diabolique qui la conduira à sa perte.
Les décors et les costumes de Gidéon Davey misent sur la sobriété et le symbolique : un atelier de luthier pour souligner la modeste condition sociale de Miller ; une immense statue de cheval sur laquelle trône en amazone la duchesse Federica, un drapeau germanique en toile de fond - couronne noire sur tenture rouge - symbole de son appartenance à l’aristocratie impériale. Une petite faute de goût peut-être : le lit métallique de Luisa isolé sur le plateau lors de la scène d’ouverture fait plus songer à un lit d’hôpital qu’à celui d’une future jeune mariée. Un choix intentionnel pour suggérer la tragédie à venir ? Peu de chose finalement face à l’excellence de l’interprétation d’Ermonela Jaho, servie par une direction musicale impeccable de Kazushi Ono.
Info : à l’affiche de l’opéra de Lyon jusqu’au 1er mai
Publié le : dimanche 24 avril 2011, par