Les tribus de Lyon - épisode 6

Osez Le Féminisme, génération 2011

Terminé le temps du slogan « Un enfant si je veux, quand je veux » et des revendications d’égalité hommes/femmes face à la loi, c’est chose faite. Les féministes ont été renvoyées au statut de vieilles folles archaïques et ringardes. Pourtant, depuis quelques années, le mouvement connait un nouvel essor. Des associations comme Osez Le Féminisme refont surface dans la sphère publique. L’essor de cette nouvelle génération se propage dans de nombreuses villes et Lyon ne fait pas exception. Retour sur ces jeunes militantes qui croient en l’urgence de faire renaître le mouvement.

L’ambition de Osez le Féminisme, réseau lancé en 2009 en France et en 2010 à Lyon, est de taille : « Les institutions ont changé, on a obtenu l’égalité face à la loi. Mais, il faut encore changer les mentalités », explique Rachel Guimbaud, jeune femme moderne et membre du réseau. Très différente du stéréotype de la féministe androgyne poilue aux cheveux courts.

Ce qu’OLF déplore ? « Les inégalités enracinées dans le système patriarcal », dixit le manifeste du réseau. Des distinctions qui seraient innées entre les femmes et les hommes : La femme doit être douce, capricieuse et émotionnelle, tandis que l’homme représente la virilité, le courage et la force. Dans cette distribution des rôles, la femme est en position de faiblesse face aux chromosomes XY. Plus concrètement, un sexisme ordinaire, plus subtil et plus discret qu’auparavant, mais « toujours aussi présent et aussi violent », selon Rachel. Un combat qui leur semble plus que jamais d’actualité.

Une longue histoire

Pourtant, les principes féministes datent et semblent être particulièrement répandus dans les sociétés occidentales. C’est vers la fin du XIXème siècle que débute la première vague de féminisme, notamment grâce aux idées des Lumières. Elle prône la réforme des institutions pour la reconnaissance de l’égalité entre les deux sexes.

Le mouvement atteint son apogée dans les années 60, soutenu principalement par les étudiants. Les jeunes filles dénoncent la domination masculine et prêchent l’émancipation de la femme au moyen d’opérations provocatrices. Leurs idées ont fait du chemin : depuis le droit de vote accordé aux femmes en 1944 jusqu’à la dépénalisation de l’avortement et le divorce par consentement mutuel en 1975.

OLF poursuit la ligne de conduite de leurs aînées. « Oppression, domination, système patriarcal » font toujours partie du lexique féministe. Néanmoins, le réseau donne un souffle nouveau à un mouvement qui a sévèrement pâti des extrémismes des années 90 et début 2000 et de leurs divisions idéologiques. Une mort lente à laquelle s’ajoute la loi sur la parité, qui leur a volé la vedette et leur raison d’être. Désormais, les féministes se coltinent une image ringarde. OLF tourne la page et surfe sur une nouvelle vague, pour apporter une nouvelle crédibilité.

Le renouveau

L’engagement est idéologique et politique, mais le projet s’ancre dans la réalité du terrain. Les chiffres frappants avancés par les membres d’OLF parlent d’eux-mêmes et font office d’arguments : « Les salaires des femmes sont en moyenne 27% inférieurs à celui des hommes, 80% des tâches ménagères sont faites par les femmes et 75 000 femmes sont violées tous les ans en France », souligne Rachel.

Pour OLF, le temps de la féministe castratrice, qui cultive la haine de l’homme et promeut l’inversion de la domination en faveur des femmes est révolu. Ces féministes nouvelle génération prônent plutôt la mixité. L’association compte même quelques hommes dans ses rangs. En termes de sexisme, les femmes ne sont pas épargnées d’ailleurs : « le plus étonnant, c’est que les stéréotypes sur la femme, ce sont les femmes elles-mêmes qui les perpétuent », s’irrite Rachel. Elle déplore qu’aujourd’hui encore, beaucoup croient à une nature propre à la femme et à l’homme qui justifierait des fonctions différentes et inégales.

Pour convaincre, les armes de OLF sont diverses. La bataille gagnée contre les institutions, les féministes s’attaquent désormais au sexisme de la vie quotidienne. Elles investissent l’espace public. Sur la Place des Terreaux, dans les festivals, elles tiennent des stands pour informer les passants : « il faut convaincre que le féminisme est encore d’actualité », explique Rachel. A Noël, elles sillonnent les rues commerçantes pour sensibiliser les acheteurs, surtout les mères de famille, des stéréotypes perpétrés par les jouets pour enfants.

En juin, OLF a lancé l’opération coup de poing « Osez le Clito », pour faire connaître cet organe oublié et pourtant primordial dans le plaisir féminin. Les murs de Lyon ont été placardés d’affiches de clitoris avec l’enseigne « instigateur de plaisirs ». Une formule humoristique pour mettre en exergue le désir sexuel, que les femmes n’hésitent plus à revendiquer.

Féminisme 2.0

Enfin, le réseau profite des nouveaux médias et inaugure le féminisme 2.0. Elles s’approprient la toile, un moyen de propagation des idées auquel n’avaient pas accès les générations précédentes. OLF dispose d’un site, d’un blog, d’une page Facebook, d’un Twitter, en adéquation avec son époque. Le réseau a lancé un nouveau concept, Vie de Meuf, un Vie de Merde bis, réservé aux anecdotes du sexisme ordinaire. Un blog participatif misant sur l’humour pour plus d’efficacité.

Pour compléter la démarche, OLF compte bien participer aux prochaines élections présidentielles : « 2012 ne se fera pas sans nous ! », scande le réseau. Dix mesures phares sont proposées aux politiques pour compléter leur démarche. Des idées aussi concrètes qu’une meilleure éducation sexuelle ou l’ouverture de nouvelles crèches pour permettre l’égalité professionnelle.

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Publié le : lundi 8 août 2011, par Tony Truand