Grâce à une nouvelle directive européenne

L’entreprise Artprice a-t-elle touché le gros lot ?

Le quotidien économique la Tribune avait lancé une véritable bombe (7/4), annonçant qu’ :« Artprice attend une croissance à quatre chiffres en 2012 ». Comment y parvient cette société qui appartient au créateur de la Demeure du chaos Thierry Ehrmann ? Grâce à une nouvelle directive européenne libéralisant la vente aux enchères d’objets d’art.

2066/123/CE, c’est le nom quelque peu barbare de la pierre philosophale grâce à laquelle Thierry Ehrmann compte transformer son entreprise de cotation d’objets d’art en or massif. Et porter son chiffre d’affaires, qui était de 5,39 millions d’euros en 2010, à … 90 millions d’euros ! La directive européenne 2066/123/CE, récemment votée par le parlement européen, prévoit la libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, notamment par voie électronique. Artprice, leader mondial de l’information sur le marché de l’art, pourra ainsi se transformer en maison de vente aux enchères en ligne.

La directive vise, selon la Commission européenne, à éliminer « les obstacles juridiques et administratifs qui freinent les échanges dans le secteur », dans le but de « libérer le potentiel de croissance des marchés de service en Europe ». Artprice, forte de 1,3 millions de clients sur sa plate forme électronique, où se connectent quelques 7000 maisons de vente et experts, touchera dorénavant une commission de 4,5 % sur les volumes de ventes réalisées. Des commissions jusque là réservées aux commissaires priseurs. « Il fallait être simplement très patient et féroce contre ce monopole de près de 500 ans en suivant un chemin de croix législatif de 10 ans », se félicite Thierry Ehrmann sur le site Boursica.com (5/6).

Le boom du net dans le marché de l’art

Pourquoi de telles perspectives ? L’enchère d’art sur internet est encore embryonnaire. Le gré à gré domine les pratiques, suivi des ventes en salles. Mais les chiffres ne cessent d’augmenter. Grâce notamment à une meilleure diffusion de la vente, un meilleur traçage des objets avec des cotes, ou une recherche par mots clefs. A titre d’exemple, la part des enchères en ligne chez Artnet, concurrent d’Artprice, est passée de 0 à 14 % en deux ans. Et devrait devenir la principale source de revenu du groupe à moyen terme. « N’importe quel particulier peut enchérir en direct de son salon », reconnait Gérald Richard, commissaire priseur à Lyon. « C’est pratique, même si la personne doit avoir confiance dans le site de vente car on ne sait pas si l’objet va arriver ».

Artprice prêt pour recevoir

L’entreprise de Saint Romain-au-mont-d’or compte bien tirer bénéfice de son ancienneté et de sa taille pour accueillir l’arrivée des petits porteurs, comme les seniors, les jeunes collectionneurs de 30/35 ans et le marché asiatique. « Nous sommes sur internet depuis 1985 et nous avons donc pu préparer et identifier nos cibles clés lors de notre arrivée dans les années 90 sur le marché de l’art », déclarait Thierry Ehrmann dans l’interview sur Boursica.com. D’autant qu’Artprice a lancé le 13 avril dernier un abonnement dédié spécifiquement aux smartphones. Artprice affirme ainsi « disposer plus que quiconque de tous les atouts pour offrir aux maisons de ventes leurs migrations intégrales sur Internet ». Rapidité, faible coût, apport de liquidité, transparence, prix du marché en temps réel, « la Place de marché normalisée d’Artprice et ses banques de données (protégées au titre de la propriété intellectuelle) répondent exactement à ces cinq points », rappelle l’entreprise dans un communiqué.

La guerre est ouverte

Concurrents sur ce nouveau marché aux marges alléchantes, Artprice et Artnet se livre d’ores et déjà une guerre des mots sans merci. Et c’est Thierry Ehrmann qui a tiré le premier, qualifiant son concurrent Artnet d’« hébergeur de luxe qui ne possède pas son outil de production », toujours cité par Boursica.com. La directrice général d’Artnet France, Gina Kehayoff, n’a pas tardé à réagir : « Artprice n’est pas au même niveau qu’Artnet. Ils vendent des smarts, nous vendons des grosses voitures. »

Depuis c’est toutefois motus et bouche cousue chez Artprice. L’entreprise n’a ainsi pas souhaité répondre à nos questions. Alors, l’entreprise est-elle réellement armée pour cette nouvelle bataille ? « Artprice possède beaucoup d’informations avec un système basé sur une haute technologie. Pour autant, c’est une chose de donner des informations, c’en est une autre de devenir opérateur. On verra bien comment cela va se passer », tempère Thierry Savy, secrétaire général du Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

Publié le : samedi 17 septembre 2011, par Bruno Poncet