Surprise sur prise

Municipales : que faut-il retenir du 1er tour dans le Rhône ?

53,67% des Rhodaniens se sont rendus aux urnes dimanche pour le premier tour des municipales 2014, soit 5 points de moins qu’en 2008 (58,43%). A Lyon, le taux de participation est, au contraire, en hausse avec 56,09% contre 53,48% il y a six ans. Le scrutin a apporté son lot de surprises. Et d’autres qui n’ont pas eu lieu.

A Lyon les jeux sont faits

Certes, Gérard Collomb n’a pas été réélu au premier tour comme il y a six ans, mais personne ne s’y attendait. Contrairement à 2008 où la majorité sortante était unie, elle s’est présentée cette fois-ci sur trois listes différentes. Une désunion qui n’a pas profité au challenger UMP. Michel Havard a obtenu 30,49% des voix à Lyon, soit peu ou prou le même score que Dominique Perben en 2008 (30,13%).

Contrairement à l’ancien garde des sceaux, Michel Havard a toutefois droit à un second tour. Et fais mine d’y croire. « Rien n’est fait », a-t-il martelé devant les caméras. En réalité, Gérard Collomb n’a rien à craindre du second round. Il a certes déjà perdu le 6ème et ne gagnera probablement pas le 2ème, mais la gauche est en tête partout ailleurs, même dans le 5ème, fief de Michel Havard. Et contrairement à son challenger, Gérard Collomb bénéficie d’importantes réserves de voix grâce aux scores des Verts et du Front de gauche.

De quoi se féliciter d’un « excellent résultat », obtenu dans un contexte national difficile. « Le modèle lyonnais a été plébiscité », s’est réjoui le maire sortant.

Fulgurante percée du Front national

Les listes bleu marine peuvent se maintenir dans sept arrondissement sur neuf. Seuls les 1er et 4ème lui échappent. Encore, puisqu’elles y obtiennent quand même 6,18% et 8,57%. Ailleurs, les score s’échelonnent entre 10,42% (6ème) et 18,45% (8ème), avec une moyenne à l’échelle de la ville de 12,19%, soit 2 points de plus que Marine Le Pen en 2012 (9,87%).

Pas de négociation pour le parti à la flamme bleu-blanc-rouge qui reste fidèle à sa position de renvoyer « dos à dos l’UMP et le PS », comme l’expliquait dimanche soir Christophe Boudot, la tête de liste lyonnaise qui prétend « incarner le renouveau ».

Il y aura donc sept triangulaires à Lyon qui devrait permettre au Front national de faire son entrée au conseil municipal, où il compte être « une épine dans le pied de Michel Havard et Gérard Collomb ». Reste à savoir avec combien d’élus. « J’espère que je ne serai pas le seul », lâche Christophe Boudot. Pour mettre toutes les chances de son côté, un dernier meeting est prévu jeudi soir à la Confluence, le lieu exact étant gardé secret pour éviter les « pressions ». En revanche, Marion Maréchal Le Pen, un temps prévue comme guest-star, ne viendra finalement pas.

Sans étiquette point de salut

Pour marquer des points à Lyon, mieux vaut représenter un parti national. Eric Lafond l’a appris à ses dépens. Alors qu’il a obtenu en 2008 6,02% à l’échelle de la ville avec l’étiquette Modem, et a pu faire élire tout de même un conseiller d’arrondissement (lui-même), sa liste centriste, désormais sans étiquette, s’est effondrée à 3,55% en 2014.

Malgré des projets originaux comme la mise en place d’un aérotram entre les collines lyonnaises, la liste Lyon pour tous n’a dépassé les 5% dans aucun arrondissement et ne sera donc pas remboursée de ses frais de campagne. Aurore Ninino (Solidarité et progrès et les deux listes citoyennes de la Croix-Rousse n’ont pas fait mieux.

Dissidence : prime au sortant

Plusieurs élus socialistes de l’agglomération ont dû affronter des listes concurrentes dans leur propre camp, voire des dissidences dans leur propre parti. Tous sont arrivés devant leurs challengers, mais avec des fortunes diverses. A Villeurbanne, Jean-Paul Bret est d’ores et déjà sûr d’être réélu. Avec 41,50% des voix, il écrase ses concurrents UMP (22,55%), Front national (17,54%) et surtout la conseillère cantonale Béatrice Vessiller (15,81%). L’élue écologiste, exclue de l’exécutif municipal en 2010, croyait pourtant en ses chances. Si Jean-Paul Bret déclare que sa « porte est ouverte », il n’aura aucun intérêt à négocier. Les électeurs villeurbannais auront donc le choix parmi quatre listes au deuxième tour.

A Rillieux-la-Pape, où dix des quinze adjoints sortants se sont présentés contre Renaud Gauquelin, les choses sont moins simples. Le maire sortant arrive certes en tête avec 30,49%, mais il se fait talonner par Alexandre Vincendet (28,90%), un jeune loup copéiste, arrivé depuis peu dans la ville pour porter les couleurs de l’UMP. Il aura donc tout intérêt à négocier un accord avec Jean-Christophe Darne, d’autant que la droite dispose d’une importante réserve de voix grâce aux 13,55% obtenus par Julien Smati, une figure historique de l’UMP locale, désormais exclue pour dissidence. Or les relations entre Gauquelin et Darne étant exécrables, l’accord n’est pas gagné d’avance. Jean-Christophe Darne qui souhaitait plutôt fusionner avec les deux listes écologistes, sera privé de cette possibilité en raison de leur score famélique (4,96% et 4,82%).

Le constat est quelque peu similaire à Bron, où Annie Guillemot doit faire face à la dissidence de son ancienne adjointe Élisabeth Brissy-Queyranne. Si la maire sortante arrive en tête avec 30,11%, l’UMP Yann Compan (24,94%) n’est pas loin. Il ne devance que d’un poil la dissidente socialiste (23,57%). Bon point pour la maire sortante, le candidat FN Ludovic (15,98%) pourra se maintenir et privera donc l’UMP d’un réservoir de voix. A noter, la présence d’une liste du Parti de gauche qui obtient 5,40% et pourrait jouer les faiseurs de roi. « Aucune voix ne doit manquer à la liste Ensemble pour Bron », a déclaré Annie Guillemot dimanche soir, sans plus de précisions sur un éventuel accord à gauche.

Les choses ne sont pas faites non plus dans le 1er arrondissement de Lyon. Nathalie Perrin-Gilbert est certes arrivée largement en tête avec 33,46% devant Odile Belinga (25,94%) qui représentait Gérard Collomb mais pas suffisamment pour être élue au premier tour comme en 2008. « Nous n’avons pas encore gagné », a reconnu la maire sortante dimanche soir, appelant les autres listes de gauche à « se retirer ». Depuis, le Front de gauche, auquel l’ancienne socialiste s’est alliée, a mis de l’eau dans son vin et espère une « alliance qui permet de respecter le vote et la vie démocratique dans la cité », c’est à dire sauver des élus Front de gauche dans les 4ème et 7ème arrondissements où ils ont dépassé les 5%. Tout dépend donc des négociations avec la liste PS, menées par la communiste Aline Guitard et non par Nathalie Perrin-Gilbert, ainsi que celles avec les écologistes.

Si la gauche arrive en tête à Villeurbanne, Rillieux, Bron et Lyon, malgré les divisions, cela n’est pas le cas à Décines et Saint-Fons. Dans la ville du futur Grand stade, le PS avait frôlé le passage au premier tour en 2008 sous l’ancien maire Pierre Credoz (48,98%). Son successeur Jérôme Sturla (30,48%) fait beaucoup moins bien en n’arrivant qu’en deuxième position avec 30,48% à 27 voix près derrière l’UMP Laurence Fautra (30,80%). La faute, en partie à une liste dissidente menée par l’adjoint aux transports Michel Buronfosse qui, avec 12,12%, rate toutefois son pari de virer en tête. A noter la présence d’une quatrième liste, estampillé anti-stade, autour de Sandy Sagnard (26,60%).

La situation est encore plus difficile à Saint-Fons pour la maire sortante Christiane Demontès (27,01%), qui arrive très largement derrière la liste divers droite, menée par Nathalie Frier et l’ancien maire (2001-2008) Michel Denis (40,13%). Les 13,09% obtenus par l’adjoint écologiste Ahmed Benferhat, qui espérait dépasser la sortante socialiste et lui chiper la mairie, ne suffiront pas à combler l’écart. D’autant que l’UMP Marie-France Vincent a obtenu 14,16% qui pèseront dans la balance.

Les communistes font de la résistance... mais pas partout

On disait les communistes menacés par les socialistes dans leurs bastions de Vénissieux et Vaulx-en-Velin. Mais c’est à Pierre-Bénite qu’ils ont été évincés dès le premier tour... par l’UMP. Le jeune Jérôme Moroge a ravi la ville, détenue par le PCF depuis plus de 40 ans, en obtenant 52,84%. La maire sortante Mireille Domenech Diana, qui a dû rempiler après le décès de son successeur Serge Tarassioux en 2011, a voulu passer la main à son ancien adjoint Daniel Deleaz qui n’a obtenu que 29,06%, loin des 65,01% recueilli par la maire sortante en 2008. Au premier tour également.

En revanche, Vénissieux n’est pas près de basculer. La question pouvait se poser après que Michèle Picard a dû laisser filer la circonscription aux dernières législatives, le socialiste Yves Blein ayant mis fin à 19 ans de règne communiste. La maire sortante, qui a succédé à André Gerin en 2009, arrive largement en tête avec 30,72%, loin devant l’UMP (22,03%) et la liste dissidente menée par le PS (15,79%). A noter la présence d’une liste nationaliste conduite par Yvan Benedetti et Alexandre Gabriac. Avec 11,49%, elle peut se maintenir mais son sort est menacé par de nombreuses irrégularités dans sa composition que la préfecture aurait constatées. Cinq autre listes totalisent 19,97% ce qui devrait conduire Michèle Picard à fusionner avec la liste PS pour être tranquille. Dans les rangs des communistes, on se félicitait en tout cas dimanche soir. « J’ai passé le relais », s’est réjoui l’ancien maire André Gerin (1985-2009), tandis que Michèle Picard lançait un guilleret « vous n’y avez pas cru, hein ? ».

La situation est moins claire à Vaulx-en-Velin mais tout n’est pas encore perdu pour Bernard Genin (26,10%). Le maire sortant est certes légèrement devancé par la PS Hélène Geoffroy (27,08%) mais l’UMP est loin (16,95%). Le résultat dépendra des deux listes citoyennes emmenées par Nordine Gasmi et Stéphane Bertin qui ont toutes les deux dépassé les 10%.

Le deuxième tour aura lieu dimanche 30 mars.

Publié le : lundi 24 mars 2014, par Michael Augustin