La vie moderne

Une Biennale « moderne » pour comprendre le monde

« J’ai souhaité que cette Biennale soit comme une nébuleuse », clame Thierry Raspail, directeur artistique de la Biennale d’art contemporain de Lyon. « J’espère que les œuvres vont susciter des questions chez les visiteurs ». Avec cette 13ème édition, la Biennale d’art contemporain de Lyon entame une nouvelle trilogie. Chacune est placée par Thierry Raspail sous un mot d’ordre. Pour cette nouvelle série, celui, qui est aussi directeur du Musée d’art contemporain de Lyon, a choisi le mot « moderne ». Un terme qui traverse « à la manière d’un fil rouge » toutes les expositions de la Biennale.

« Je déteste ce mot ! » C’est ainsi que décrit Ralph Rugoff (photo), directeur de la Hayward Gallery de Londres, sa première réaction. C’est pourtant à lui qu’est revenu le soin de le mettre en musique. Ou plutôt en images puisque c’est lui qui s’est vu confier le commissariat de cette 13ème Biennale. Et il a même choisi, une première, de l’inscrire dans le titre de la Biennale.

« Nous savons parfaitement et ce depuis longtemps, depuis Rimbaud au moins, qu’il faut être absolument moderne », explique Thierry Raspail. Néo, pré, post, hyper, alter, anti, folk ou transmodernité, « il ne sera pas question de définir le ou la moderne, mais d’en rapporter l’expérience inédite dont les artistes créent l’histoire », nuance le directeur artistique.

« L’art est une façon de comprendre le monde dans lequel nous vivons, aussi important que la science ou la philosophie », embraie Ralph Rugoff, « Pas une réponse à quoi que ce soit, plutôt une façon de voir les choses sous un nouvel angle. » Pour ce faire, il a rassemblé plus de soixante artistes issus de 28 pays autour, pour certains, de thématiques comme la crise financière, l’immigration ou la façon dont la technologie va changer notre vie.

De l’art partout

Autour de la Sucrière et du MAC, de nombreuses autres expositions complètent cette Biennale qui élargit, cette année, ses horizons et s’exporte bien au-delà des frontières de la ville pour s’établir dans toute la région.

De nouveau pierres angulaires de la manifestation, Sucrière et MAC jouent parfaitement sur leur complémentarité. A la première les grands espaces et les œuvres monumentales, à l’instar d’Enigma – 2014 du Chinois Liu Wei, au second l’intimité des différentes pièces dans lesquelles on déambule et où la projection du sublime film Nightlife, en 3D, du Parisien Cyprien Gaillard est absolument à voir.

D‘autres lieux accueillent de nouveau des œuvres ou intègrent pour la première fois la programmation. Dans cette seconde catégorie on trouve le tout nouveau Musée des Confluences qui a invité l’artiste Yuan Goang-Ming, pionnier de l’art vidéo à Taiwan dans sa salle 15. Plongé dans le noir, le spectateur assistera à un spectacle surprenant projeté sur les 4 grands écrans disposés au centre de la pièce.

Haut-lieu de la vie politique rhônalpine, l’Hôtel de région participe pour la deuxième fois depuis 2011 (Les enfants terribles). Il accueille cette fois-ci les collections du MAC dans son espace d’exposition dédié, le Plateau. Jusqu’au 3 janvier, le visiteur pourra traverser le pénétrable de Soto, revivre les performances de Marina Abramovic et Ulay ou encore admirer les portraits maori de Neleman. Une exposition qui a pour ambition « d’introduire une forme de dialogue entre la vie moderne de Ralph (Rugoff) et les collections du Musée d’Art Contemporain », selon Thierry Raspail, pour qui la Biennale et le musée sont intiment liés depuis leur début respectifs.

A Villeurbanne, l’Institut d’art contemporain (IAC) donne « Rendez-vous » à la jeune création internationale. Fruit d’une direction artistique collégiale entre le MAC, l’IAC et l’école des Beaux-Arts de Lyon, Rendez-vous 15 présente vingt artistes issus de la jeune création internationale. Dix artistes français émergents ainsi que dix artistes proposés par chacune des dix biennales dans le monde (Dakar, Singapour, Los Angeles entre autres) se partagent l’affiche jusqu’au 8 novembre.

S’exportant pour la première fois en dehors des limites du Grand Lyon, la Biennale investit le couvent de la Tourette à Eveux pour le cinquantenaire de la mort de son créateur, l’architecte Le Corbusier. Le site accueille les œuvres d’Anish Kapoor et instaure ainsi, comme le souligne Thierry Raspail, « un véritable dialogue entre modernité, spiritualité et histoire ». L’artiste anglo-indien vient de défrayer la chronique avec son œuvre Dirty Corner, vandalisée trois fois dans les jardins du Château de Versailles. « Il ne devrait rien y arriver ici », veut croire Thierry Raspail.

Deux plateformes viennent s’ajouter à la liste déjà très riche des lieux d’exposition de la Biennale : Veduta et Résonnance.

Empruntée à la langue de Dante, Veduta, qui signifie « vue » est présente cette année dans six villes de la métropole lyonnaise à travers dix expositions. Pour cette édition, la plateforme a pour ambition de faire la généalogie du moderne en contant l’histoire de la Biennale, depuis sa création en 1991 avec L’amour de l’Art à la Biennale de 2013 (Entre-temps… Brusquement, Et ensuite. On pourra ainsi y admirer la mer de globes terrestres de Leccia à Saint-Cyr-Au-Mont-d’Or mais aussi revivre le Spectacle du quotidien (10e Biennale de Lyon) à la Mostra de Givors.

La Biennale est aussi l’occasion de mettre en lumière les principaux lieux d’arts régionaux. Comme son nom le laisse deviner, la plateforme Résonnance résonne dans toute la région Rhône-Alpes à travers plus de 200 manifestations. A deux pas de la Sucrière, le Palais de Tokyo a posé ses valises à la Halle Girard et présente ainsi dix de ses artistes dans le cadre de la Biennale. A 60 km de là, les Stéphanois ne sont pas en reste et pourront visiter l’exposition Mirages au sein de leur fameuse cité du design.

Moderne donc, cette 13ème édition transporte le spectateur dans une autre galaxie, qui pourtant est la nôtre, à travers un regard neuf, parfois exotique. On retrouve l’innovation du numérique dans Phantasmagoria de Tony Oursler mais aussi la poésie de la nature dans Mesk-ellil de l’artiste franco-marocain Hicham Berrada, grand vainqueur du prix de l’artiste francophone de l’année. Audacieuse et innovante, la biennale 2015 ouvre les portes du fabuleux monde qui nous entoure et laissera incontestablement sa trace dans notre vie moderne...

Toutes les photos sont sur le FlickR de Lyon Info.

Publié le : jeudi 24 septembre 2015, par Oula Zaroual