Martin Scorsese récompensé

Prix Lumière 2015 : le sacre d’un passionné

« Tu as inventé les journées de 36 heures et les heures de 90 minutes. » C’est ainsi que Bertrand Tavernier a résumé la passion qui anime Martin Scorsese, Prix Lumière 2015. Absent de la cérémonie en raison d’une récente opération, c’est dans une longue lettre que le président du festival s’est adressé au réalisateur américain. Thierry Frémaux, directeur du festival et l’acteur François Cluzet se sont chargés de la lire devant les 3000 personnes réunies à l’amphithéâtre du Centre de congrès de Lyon pour la remise du prix.

« C’est Mizoguchi, l’image que je n’ai jamais eue du Japon, c’est Les Enfants du Paradis, l’image que j’ai eue de la France », a répondu, ému le lauréat partageant avec la salle l’histoire d’un gamin asthmatique qui parcouraient les salles obscures des cinémas new-yorkais avec ses parents, et à qui les films servaient de fenêtre lui permettant de « découvrir le monde ».

C’est sous une ovation de 3000 personnes, cinéastes et cinéphiles, que le réalisateur de Taxi Driver avait fait son entrée sur le tempo du morceau des Stones, Jumpin’ Jack Flash. Une standing ovation plus tard, Martin Scorsese a fendu la foule pour rejoindre sa place dans le public.

« Une des choses que nous souhaitions faire depuis la création du Festival Lumière était de remettre le prix à Martin Scorsese », s’est exclamé Thierry Frémaux. C’est donc désormais chose faite.

Comme à l’habitude, la cérémonie a réuni de nombreuses personnalités. Jane Birkin, Alyson Paradis, Richard Anconina, Abbas Kiarastomi, Edouard Baer, François Cluzet, Max Van Sidow, Pierre Richard, Bérénice Béjot et Salma Hayek se sont succédé devant le photo-call.

Pris sur le tournage d’un téléfilm où il incarne l’escroc Bernard Madoff, l’acteur américain Robert de Niro s’est adressé, lui, au cinéaste dans un message vidéo de 25 secondes. Un hommage concis, à l’image de l’acteur.

Hommages au cinéma

Avant la remise du prix, quelques fragments de films de l’époque des frères Lumière ont été projetés sur la toile de la Salle 3000. Des instants de 50 secondes qui cristallisent les grands débuts du cinéma, et que l’Institut Lumière a offert au réalisateur, connu pour être un grand cinéphile.

Fortement impliqué dans la conservation du cinéma de patrimoine et de la question de la transmission, à travers sa fondation, Martin Scorsese a saisi l’occasion pour adresser un message au jeune public « qui a besoin de guides pour contextualiser les images qui l’abreuvent ». Des guides qu’il peut trouver, selon lui, dans les documentaires cinématographiques, « un cinéma sur le cinéma » qu’il ne faut pas dévaloriser.

Puis, les hommages se sont succédé, tant en images qu’en chansons. Les paysages contemplatifs du réalisateur iranien Abbas Kiarastomi, venu spécialement de Téhéran pour l’évènement, ont permis aux spectateurs de s’évader à travers un court-métrage de 3 minutes, intitulé Merci Marty, minimaliste et poétique.

Le compositeur de la bande originale d’Hugo Cabret, Jean-Michel Bernard, a aussi tenu à apporter sa contribution, en interprétant au piano un morceau de sa création, Marty’s Suit, tandis que Jane Birkin a chanté As time goes by avant que Camélia Jordana ne s’empare de la scène pour une interprétation très personnelle de New York New York, chanson emblématique du film éponyme réalisé par Martin Scorsese en 1977.

Clin d’œil pour Bertrand Tavernier, président de l’Institut Lumière, un extrait de son film Autour de minuit sorti en 1986 a été projeté. La scène réunit dans un taxi un trio improbable, Dexter Gordon, François Cluzet et Martin Scorsese en tant qu’acteur, avec en arrière-plan, les rues new-yorkaises qui défilent à travers les vitres de l’habitacle. « Jamais je n’ai été aussi heureux d’avoir un partenaire aussi généreux… aussi balaise », a commenté François Cluzet en évoquant ses souvenirs de tournage aux côtés de l’invité d’honneur.

Un discours intimiste sur le cinéma

Ce n’est qu’après ces nombreux hommages que Martin Scorsese a rejoint la scène pour recevoir le prix Lumière 2015 sous les vibrations des applaudissements de 3000 personnes, un prix qui lui a été décerné par l’actrice Salma Hayek « pour l’ensemble de son œuvre, pour sa cinéphilie généreuse, pour son inlassable combat en faveur de la sauvegarde du cinéma du passé, pour ses fictions, pour ses documentaires, pour son amour de la musique, pour sa bienveillance à l’égard des jeunes cinéastes du monde entier ».

La cérémonie s’est ensuite clôt sur une interprétation collective des personnes présentes de New York New York, fil rouge de la soirée, et sur une projection d’une version restaurée de Taxi Driver, Palme d’Or au Festival de Cannes en 1976.

Publié le : dimanche 18 octobre 2015, par Alizée Carmona