Psychomagie : un art pour guérir

Jodorowsky, artiste-guérisseur entre réel et magique

Revivre sa naissance, son enfance, voire vivre sa propre mort. La prescription d’Alejandro Jodorowsky est extravagante, intense, mais « magique ». Poser un acte psychomagique, comme il l’appelle, c’est « réaliser quelque chose qui peut nous changer ». Car pour l’artiste-thérapeute, chacun a le pouvoir d’être son propre guérisseur en ré-interprétant un morceau de vie. « L’acte psychomagique parle à l’inconscient », a-t-il expliqué lors de son passage à Lyon pour l’avant-première de son nouveau film.

Alejandro Jodorowsky est un artiste explorateur de frontières. Dramaturge, cinéaste, scénariste de BD mais aussi cartomancien, l’artiste franco-chilien de 90 ans a construit un univers inclassable, où se côtoie l’art, le sacré et l’étrange. La psychomagie est un art de son cru, qu’il pratique depuis plus de 30 ans. « Je ne trouvais pas que la psychanalyse guérissait. J’ai cherché une forme autre que par la parole. Une forme artistique et thérapeutique. »

Dans son documentaire Psychomagie : un art pour guérir, Jodorowsky montre des expériences artistico-thérapeutiques filmées en 2018 et 2019. Il y traite une dizaine de personnes en leur prescrivant des mises en scène. Pour lui, si la parole ne guérit pas toujours la souffrance psychique, il faut donner une nouvelle forme à l’histoire qu’on se raconte. Un deuil, une rupture, une maladie ou une crise existentielle. Chaque récit sera donc rejoué lors d’un événement symbolique. L’acte théâtral devient le processus de guérison. La caméra capte alors ici autant le réel et que l’imaginaire. La douleur intime et le spectacle. Jodorowsky mêle les arts pour co-écrire des récits de vie, comme si la poésie pouvait changer, si ce n’est la vraie vie, au moins son empreinte.

C’est dans un café parisien dans les années 90 que commencent les expérimentations poétiques de Jodorowsky lors des Cabarets mystiques. L’artiste franco-chilien est déjà connu autant pour ses films baroques et ses bandes-dessinées, que ses aventures psychomagiques. Sorte de conférence happening sur les méandres de la psyché, son rendez-vous hebdomadaire se terminait par un tirage du tarot. Déjà, Jodorowsky mettait son imaginaire – et ses penchants surréalistes – au service des questionnements intimes. Il publie d’ailleurs un premier livre en 2001 sur « Le théâtre de la guérison ».

Avec le film Psychomagie : un art pour guérir, les mises en scène sont pensées pour la caméra. Dans le calme d’un lieu privé, comme dans la rue au milieu des passants. Pas de répétition, pas de texte. Le réel est pris sur le vif, oscillant parfois entre style documentaire et ambiance de show télé. La caméra suit les histoires au plus près de l’action, à la manière d’un direct. Le cameraman semble invisible (Pascale Montandon-Jodorowsky, sa compagne).

L’ambition thérapeutique peut laisser certains sceptiques, mais la dimension altruiste de la démarche artistique de Jodorowsky est intéressante. Si l’art guérit souvent les artistes eux-mêmes de leurs propres démons, pourquoi l’homme ordinaire ne pourrait-il pas relire son histoire à l’aide d’un poète ? Son créateur ne dit pas qui d’autre peut pratiquer cet « art de guérir », ou s’il peut être appris. Le curieux pourra toujours compléter sa réflexion avec notamment le Manuel de psychomagie parue en 2019.

Info : Psychomagie : un art pour guérir, réalisation : Alejandro Jodorowsky, en salle le 2 octobre 2019

Publié le : mardi 1er octobre 2019, par Aurélie Marois