Visite à Corbas

Une prison « déshumanisée »

Une prison tout automatisée où l’humain n’a pas sa place. Voilà le constat dressé par trois eurodéputées d’Europe Écologie après leur visite à Corbas, vendredi matin. Selon elles, cette maison d’arrêt entièrement rationalisée pose la question du coût pour la société du tout sécuritaire.

Après avoir visitée deux prisons anciennes, celle (toute délabrée) des Baumettes à Marseille, et la maison d’arrêt de Valence, Michèle Rivasi, Malika Benarab-Attou et Eva Joly se sont rendues au centre pénitencier flambant neuf de Corbas. Mis en service en mai 2009, cette prison de 700 places est présentée comme « un outil extraordinaire », propre et moderne, tranchant net avec l’insalubrité des prisons Saint-Paul et Saint-Joseph à Perrache qu’elle remplace.

« Les détenus auraient préféré rester dans leur cloaque », affirme cependant Eva Joly, qui qualifie la prison de Corbas de « déshumanisée ». « Il y a 50% de surveillants en moins. On a remplacé des gardiens par des caméras », s’étrangle l’ancienne juge. « Est-ce qu’une caméra fait de la réinsertion ? » « S’il n’y a pas de lien social, vous devenez fou », embraie Michèle Rivasi. « C’est de la torture ! »

Au-delà de la vacance de rapports humains entre détenus et surveillants, les trois députées pointent l’absence d’activités pour les prisonniers. « On doit leur proposer des occupations physiques et intellectuelles, de l’apprentissage », clame Michèle Rivasi. « Servons-nous de ce lieu au moins pour leur apprendre à écrire. Ici ils tournent en rond, d’où les suicides », enchaînent ses collègues. « On oublie qu’il faut que les détenus retournent en société (une fois leur peine purgée, ndlr) », souligne Malika Benarab-Attou.

Pour les trois femmes se pose alors la question : « à quoi sert la prison ? ». « Le rôle de la société est de réintégrer », plaide Philippe Meirieu, tête de liste aux régionales qui a accompagné les eurodéputées. Pour lui, « le populisme tout répressif est un échec qui a un coût social énorme. » En matière de récidive notamment.

Autre point : la prison a été construite sous forme d’un partenariat public-privé. Son propriétaire n’est donc pas l’État mais la société Eiffage qui la loue 750 000 euros par mois à l’administration pénitentiaire. « Est-ce le rôle de l’État d’engraisser les géants du BTP ? » s’interroge Eva Joly. Et de pointer le peu de vertu dont ces groupes font preuve, selon elle. En rappelant le scandale suscité par la construction du pont de Normandie, surfacturée de 40% par Bouygues en raison d’une entente sur les prix avec ses concurrents. « Si Europe Ecologie arrive au pouvoir, nous mettrons fin aux partenariats public-privé », a annoncé l’ancienne juge financière.

Suite à leur visite, les trois députées compte écrire au ministre de la justice pour faire part de leur réclamations.

Publié le : samedi 6 février 2010, par Michael Augustin