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Apéro géant : méga débandade

On allait voir ce qu’on allait voir. L’apéro géant de Lyon, ça allait être autre chose qu’un vulgaire rassemblement alcoolisé. A Lyon, non seulement les choses allaient être faites en grand, mais aussi dans les règles, c’est à dire déclarées aux autorités et organisées sous réserve de toutes les autorisations reçues. Depuis... plus rien.

C’est le 26 mars au matin, quelques heures après la tenue d’un apéro géant réunissant 5000 personnes à Rennes (photo), qu’un groupe voit le jour sur le réseau social Facebook. « Nous organisons à notre tour un rassemblement festif à Lyon, pour montrer que nous aussi Lyonnais savons faire la fête », pouvait-on y lire. Le succès est immédiat. 3 jours plus tard, le groupe compte déjà 5000 membres. Le lendemain, ils sont 9000. Près de 2 mois plus tard, il rassemble un peu moins de 23 000 inscrits.

Les choses semblent avancer rapidement. Dès le 27 mars, les organisateurs annoncent la mise en place d’un sondage pour déterminer la date. L’évènement doit avoir lieu avant les vacances de Pâques. Puis après. Sur Facebook, ils annoncent des « surprises », sans plus de détails. Puis c’est au tour des journalistes de s’emparer du sujet. Le 15 avril, Lyon Info ouvre le bal, vite suivi par les autres médias. Le 24 avril, Alain Moréno, l’un des 3 organisateurs est interviewé sur France 3.

C’est là qu’on apprend toute la dimension qu’il compte donner à l’évènement : « un truc rigolo », un « apéro zéro : zéro alcool, zéro problème, zéro détritus ». Et Alain Moréno de voir loin : « Pourquoi on n’aurait pas dans notre belle ville de Lyon un rassemblement festif sans alcool qui deviendrait une tradition », à l’image de la Fête de la musique lancée par « un petit jeune qui s’appelle Jack Lang. »

Depuis, c’est le calme plat. Les semaines se suivent et se ressemblent. Face à l’impatience des internautes qui n’ont cesse de demander une date, les organisateurs répondent invariablement qu’ils en sauront plus la semaine d’après. « On veut que cet évènement soit fait avec les papiers et autorisations nécessaires, on ne veut pas de problèmes », écrivent-ils sur le site. Or, 2 mois après le lancement de l’initiative, impossible de trouver une trace d’une quelconque demande. « Ils nous ont contacté pour avoir des renseignements », se rappelle-t-on au secrétariat de Jean-Louis Touraine, adjoint au maire en charge de la sécurité. Mais point de dépôt d’un dossier. Même réponse à la Préfecture où aucune demande n’a été enregistrée.

Alors, peur de leur propre courage ou mythomanie ? Impossible de le savoir. Depuis les envolées médiatiques du mois d’avril, les organisateurs, qui ne sont plus que deux, Alain Moréno s’étant retiré, se murent dans le silence. Malgré plusieurs demandes, ils n’ont pas souhaité répondre à Lyon Info.

En attendant, la fête continue ailleurs en France. Le 8 avril, 7000 fêtards se sont réunis à Brest. Certains rassemblements ont été annulés, car interdits par la Préfecture, d’autres ont eu lieu quand même. C’est le cas de Montpellier où ils étaient 10 000 le 12 mai et à Nantes qui a rassemblé presque autant le lendemain. Or, ce dernier apéro marquera un tournant, endeuillé par la mort d’un jeune Vendéen de 21 ans, tombé accidentellement de la rambarde d’un pont. Il avait consommé 10 à 15 verres de whisky et a été retrouvé avec 2,4 grammes d’alcool dans le sang.

Dès lors, la classe politique s’empare du sujet, appelant majoritairement à encadrer le phénomène, à l’instar de Nathalie Kosciusko-Morizet, qui se prononce contre une interdiction totale et prône « le même genre de politique » que celle adoptée vis-à-vis des rave parties dans les années 90, qui n’ont pas été « complètement interdites », sauf quand « c’était vraiment dangereux ». Ce mercredi, le ministre de l’intérieur, Brice Hortefeux, réunira maires et préfets pour tenter de mieux encadrer ces manifestations, pour l’heure majoritairement sauvages.

Finalement, et c’est un peu macabre de le dire, la mort du jeune maçon à Nantes, pourrait sauver l’apéro lyonnais du naufrage annoncé. Car si le ministre réussit à donner un cadre légal aux apéros, les organisateurs lyonnais obtiendront peut-être leur sésame. Pour peu qu’ils veuillent bien en faire la demande.

Publié le : mardi 18 mai 2010, par Michael Augustin