Sensibilisation au handicap

Des étudiants se glissent dans la peau d’un malvoyant

« Je sens que ça va être galère. » C’est les yeux bandés, que Tristan s’apprête à déjeuner au resto u de l’université Lyon 3. Il participe à une journée de sensibilisation au handicap visuel, organisée par Handi-étudiant. Cette association étudiante, créée en 2009 à l’université Lyon 1, veut inciter les jeunes à « développer leur propre vision du handicap », explique Julie, l’une des animatrices et étudiante en troisième année d’ergothérapie. Après une première journée d’action à la fac de médecine, Handi-étudiant a installé ses ateliers mardi dernier à la Manufacture des tabacs.

Tristan, en Master 1 de philosophie, est venu avec 2 amis, Anthony et Julie, « par curiosité ». Sur son plateau, du filet de merlu avec des frites, des carottes râpées et un yaourt. « Les frites c’est facile », témoigne Julie, jeune diplômée en diététique. Contrairement au poisson. « On ne voit pas la taille du morceau qu’on a sur la fourchette. » « Je me sens comme un bébé », ajoute Tristan, « j’ai honte d’être assisté. » La mise en situation a commencé dès l’arrivée au restaurant universitaire. Les yeux bandés, Tristan et ses amis ont dû commander leur plat au self et le porter jusqu’à la table, accompagnés par l’une des étudiantes de l’association. « J’ai tout le temps demandé si je pouvais mettre ci ou ça sur mon plateau, si je pouvais mettre un pas devant l’autre. Une fois assis ça va mieux », commente Tristan.

L’association réunit des étudiants valides et des déficients visuels. Lélia, étudiante en première année de kinésithérapie, fait partie de ce deuxième groupe. Atteinte de stargat, une maladie dégénérative du centre de la rétine, elle ne peut plus lire et a des difficultés pour s’orienter. Elle s’assoit avec Tristan, Anthony et Julie pour parler de sa vie avec le handicap. Aussitôt, les questions fusent. Si elle se sent isolée, veut savoir Tristan. « Parfois je vais me sentir handicapée, parfois non », répond Lélia. Elle leur explique ses difficultés à trouver son chemin dans un quartier qu’elle ne connaît pas. Est-ce que ses autres sens sont plus aiguisés, l’interroge Anthony. « Mon toucher est un peu mieux développé, car je lis le braille », explique la jeune femme.

Des ateliers pour appréhender la vie d’aveugle

Ce n’est qu’une fois le plateau rapporté que Tristan et Anthony enlèvent le bandeau. Anthony se retourne : « Je n’avais pas conscience d’avoir fait tout ce chemin, la notion d’espace disparaît quand on ne voit pas. Par contre, on a l’impression d’être long dans tout ce qu’on fait », commente cet étudiant en master 2 de cinéma. En sortant du restaurant, plusieurs ateliers attendent les 3 amis. Ils choisissent le parcours à la canne. Re-bandage des yeux pour faire le tour d’une cour intérieure. « Quand on marche à la canne, on se concentre sur son chemin. On ne fait pas attention à ce qui nous entoure », leur explique Rocco, leur guide. Malvoyant avec seulement 20% d’acuité visuelle, Rocco leur fait part de sa façon de se déplacer en ville : « Bellecour c’est l’enfer ». Car faute de repères sur une vaste place, un petit écart pour éviter un passant ou contourner un obstacle peut complètement changer la trajectoire.

Un peu plus loin, Pierre explique le braille. Une machine à écrire à 6 touches et une tablette spécifique permettent aux étudiants de s’essayer à l’écriture dans cet alphabet composé de points. Pierre, étudiant malvoyant inscrit en droit, fait une démonstration de son Perkin’s, une sorte de notepad électronique, avec lequel il prend des notes en braille pendant ses cours. Un peu plus loin, dans une salle de sport se déroule une partie de torball. Ce sport, pratiqué aussi bien par des malvoyants que par des aveugles, se joue de toute façon avec un masque opaque sur les yeux, pour n’avantager personne. 2 équipes de 3 joueurs s’opposent à l’aide d’un ballon renfermant une cloche.

L’université adapte ses documents de cours pour les mal-voyants

135 étudiant handicapés sont connus de la mission handicap de l’université Lyon 3, dont 13 malvoyants et 2 aveugles. Pour leur permettre de suivre les cours, la mission handicap, qui compte 7 salariés, adapte les documents écrits. « Nous transcrivons les sujets d’examen en braille », explique Magali Lastricani-Jolivet, la responsable du service. « Nous numérisons les documents, comme des copies de livre, pour que les étudiants puissent les consulter sur leur ordinateur. »

Quant à l’association Handi-étudiant, elle prévoit déjà de rééditer cette journée de sensibilisation dans une école d’architecture pour permettre aux étudiants d’appréhender l’intérêt des nouvelles normes que la loi de 2005 sur le handicap a introduites dans la réglementation sur les bâtiments.

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Publié le : vendredi 10 décembre 2010, par Michael Augustin