« Nous allons produire de nouvelles pièces », annonçait Annabelle Billaud, parent d’élève et membre du Réseau éducation sans frontières (RESF). Parmi ces pièces, le certificat de décès de la première femme de Guilherme, ainsi que des attestations de proches confirmant la vie commune qu’il mène avec sa compagne Florence. L’enjeu du procès est toutefois plutôt symbolique. Si Guilherme obtient gain de cause, cela ne lui vaudra pas pour autant d’être régularisé automatiquement. Et s’il perd son procès, l’OQTF dont il fait l’objet arrive de toute façon à échéance le 6 juillet prochain. Quelques jours après le rendu du jugement attendu fin juin.
Débarquant en France en mars 2002, Guilherme Hauka Azanga avait laissé au pays sa première femme et leurs 5 enfants. Arrivé de manière clandestine, il s’est vu refuser ses trois demandes d’asile, la dernière en mars de cette année. Père de 2 enfants nés en France, ses 2 demandes de carte de séjour ont également été rejetées. Lors de l’audience, l’avocat de Guilherme, Maître Laurent Sabatier a insisté sur la réalité des liens, contestés par la préfecture, qui unissent Guilherme à sa compagne et ses enfants. Fournissant des attestations de crèches, médecins, hôpital et foyers, il a accusé la préfecture d’une « certaine mauvaise foi ».
La préfecture, elle, s’est employé à mettre en doute l’authenticité du certificat attestant le décès de sa première femme angolaise, qui serait morte en 2004, en pleine guerre civile. Or, l’avocat n’a pu fournir qu’un fax, l’original du document restant introuvable. Sans compter les problèmes de traduction, le fax ayant été rédigé en portugais, la langue du pays. De plus, le certificat a été établi sur papier à en-tête de la République populaire d’Angola. Or, la mention populaire a été supprimée en 1992, soit 12 ans avant les faits. « Ça fait long », commentait Maître Dominique Schmitt, l’avocate de la préfecture, pour qui ce procès est « d’une banalité redoutable ».
Pour elle, il faut « mettre en balance » les 2 enfants que Guilherme a eu en France, avec les 5 qu’il a laissé en Angola. Parmi eux, 2 ont disparus alors que les 3 autres ont été accueillis par des bonnes sœurs en République démocratique du Congo. Si bien que pour la préfecture, la solution est toute trouvée. La famille n’a qu’à retourner en Afrique, en Angola ou au Congo pour retrouver au passage les 3 enfants restés là-bas, suggérait Maître Schmitt. Pour elle, Guilherme a fait des enfants en France, sachant sa situation précaire. « A lui d’en assumer la responsabilité. »
L’avocat de Guilherme, lui, fait le calcul inverse. Une fois régularisé, le sans-papiers pourra épouser Florence et faire venir tous ses enfants en France. Reste la question du décès de la première femme de Guilherme, lui permettant de se remarier. « L’Angola, ce n’est pas la mairie du 7ème arrondissement de Lyon », fait remarquer Annabelle Billaud, balayant tout doute sur l’authenticité du certificat. Selon elle, le mariage célébré en Angola était de toute façon simplement « coutumier », donc sans valeur légale en France.
Le jugement est attendu dans 3 semaines. D’ici-là, Guilherme Hauka Azanga, absent à l’audience, continuera de vivre caché, « terrorisé », selon ses proches à l’idée de se faire arrêter de nouveau. Car après l’expiration de l’OQTF, rien n’empêche le préfet de prendre un nouvel arrêté. « Mais il peut aussi bien lui accorder des papiers », s’indigne Annabelle. « Quoi qu’il en soit, le 7 juillet au matin nous allons déposer une nouvelle demande. »
Halima et Khafia
D’autres cas de sans-papiers étaient jugés ce même jour. Comme celui de Halima Benaïssa pour qui c’était le premier passage devant le Tribunal administratif. Pour échapper à un mari violent, cette Algérienne était arrivée en France avec sa fille Khafia il y a plus de 8 ans. Sans papiers, elle est tombée mercredi dernier dans les filets de la police, lors d’une descente au foyer de Corbas, où elle rendait visite à une amie. Placée en garde à vue, elle a été libérée 5 heures plus tard, suite à l’intervention de RESF. « Je ne veut pas être ici (au tribunal, ndlr), je veux être comme mes copines », s’écrie Khafia, scolarisée en 5ème au collège Ampère (Lyon 2ème). Des copines qui s’étaient largement mobilisées devant le tribunal. Sous le coup d’un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière, elles devraient être fixées sur leur sort sous 24h.