Palestine

Le prêtre de Gaza prévient d’une guerre des religions

Témoin de la situation sanitaire catastrophique à Gaza, Manuel Musallam, parcourt actuellement la France, à l’occasion de la publication de son livre d’entretiens Curé à Gaza. Alors que quelque 10 000 personnes ont défilé dans les rues de Lyon pour condamner les actes d’Israël, cet ancien curé de Gaza crie sa colère et met en garde contre une possible guerre des religions.

« On nous traite comme des animaux », s’écrie Manuel Musallam. « Il manque l’électricité, l’eau, l’hygiène, la nourriture, les médicaments. Le gaz n’arrive pas dans les cuisines. Des familles entières n’ont pas de travail. » Il raconte que les enfants ne peuvent plus aller à l’école car les transports sont devenus trop chers. Et ceux qui y vont encore ne peuvent plus faire leurs devoirs faute d’éclairage à la maison. « Les habitants ont besoin de choses matérielles pour la vie quotidienne. Surtout de matériaux pour reconstruire leurs maisons qui sont toutes cassées. »

« Personne ne s’occupe des veuves », déplore-t-il. « La famille est détruite. Et avec elle la communauté. On prépare un monde de haine, de revanche, de révolution. Et le terrorisme va venir avec cela. Si on fait pousser le fumier à Gaza, tout pousse : Al-Qaida, le Hezbollah, l’armée de Mahomet... »

« C’est ça la douleur, l’humiliation d’un peuple », accuse le curé. « J’étais à Gaza pendant l’opération plomb durci (l’offensive israélienne qui a coûté la vie à 1315 Palestiniens, fin 2008, ndlr) », raconte-il. « Il n’y avait pas à manger, pas d’eau. Je suis tombé malade. J’ai vu de mes propres yeux une bombe à phosphore tomber dans une cour d’école. » D’après ses récits, le calme n’est jamais revenu à Gaza. « Les avions continuent d’attaquer et de tuer tous les jours », dénonce Manuel Musallam. Il n’hésite pas à comparer la politique d’Israël à celle des nazis. « La souffrance est la même », juge-t-il.

« Les Palestiniens ne sont pas des terroristes, le Hamas ce ne sont pas des terroristes », s’écrie l’ecclésiastique. « Les Palestiniens sont de braves gens. Nous ne voulons pas tous mourir, nous voulons vivre en paix avec Israël. » Mais selon lui, par la construction de ses colonies, Israël a « détruit toute possibilité de créer un état palestinien. » « On nous demande de faire des compromis. Mais des compromis sur quoi ? On nous a déjà pris 82% de la Palestine historique. »

S’il est venu en France, c’est pour lancer un cri de détresse. « Les Européens ont pitié de nous mais ils signent pour Israël », pointe Manuel Musallam, avant d’en appeler à la communauté internationale. « Les Nations unies ont la responsabilité de casser le blocus. Il faut arrêter la guerre et protéger le peuple palestinien. »

Et de mettre en garde contre une « guerre de terres » qui pourrait devenir une « guerre des religions ». L’élément déclencheur serait d’après lui la question du statut de Jerusalem est, berceau des trois religions mono-théistes. « Pour les Israéliens, les lieux de culte chrétiens et musulmans sont des lieux païens », estime le prêtre. Et de tirer la sonnette d’alarme : « les musulmans ne toléreraient pas la destruction de [la mosquée] al Aqsa (le troisième lieu saint de l’islam, ndlr) ». « Si une guerre religieuse éclate à Jérusalem, ce sera très dangereux pour le monde entier. La paix serait menacée », prévient-il.

Repères

Manuel Musallam vit aujourd’hui dans sa ville natale de Bir Zeit, près de Ramallah en Cisjordanie. De 1995 à 2009, il a officié comme prêtre à l’église de la Sainte-famille à Gaza Il exerce actuellement la responsabilité du Département chrétien du monde au sein de l’Organisation de libération de la Palestine. La communauté chrétienne en Palestine compte quelques 165 000 fidèles sur une population totale de 3 millions.

Son livre d’entretiens « Curé à Gaza », co-écrit avec Jean-Claude Petit est paru aux éditions de l’Aube (205 pages, 18 euros)

Publié le : lundi 7 juin 2010, par Michael Augustin