Et si la France s’éveillait...

Gérard Collomb : un livre, mais pour quoi faire ?

« Je suis de gauche depuis toujours. Pour être précis, je suis socialiste. » Dès la première page de son livre, le sénateur-maire de Lyon Gérard Collomb compte mettre les pendules à l’heure, face à ses détracteurs (et amis) qui voient en lui plutôt un centriste déguisé. « Un socialiste réformiste », précise le bouquin. « Un socialiste pragmatique », précise l’intéressé en conférence de presse, conscient que cette double étiquette lui permet de contenter pas mal de monde. Du moins dans sa ville de Lyon.

Socialiste et pragmatique, donc, ce qui, dans son esprit, le démarque des socialiste-dinosaures qui peupleraient en nombre la rue de Solférino. Un élu local, quotidiennement au contact des Français et qui sait ce dont souffrent ses compatriotes. « On voit mieux la France depuis nos territoires, comme je la vois depuis Lyon », écrit-il ainsi.

Ce n’est pas « un livre de petites phases et d’attaques personnelles », prévient l’auteur lors de la conférence de presse de lancement de son bouquin. Rares sont en effet les camarades socialistes à y être cités nommément. Benoît Hamon a cet honneur-là, Martine Aubry aussi, avec qui le maire de Lyon affirme pourtant ne pas avoir « de problèmes de personne ». Ce qui ne l’empêche pas d’égratigner sa première secrétaire devant la presse : « Il y a la Martine de Lille, et l’Aubry de Solférino. Elle a deux discours. A Lille, elle est comme moi. Je préfère la Martine de Lille. » Ajoutant qu’il « serait heureux de lui remettre un exemplaire de [s]on livre ». Ça tombe bien, la première secrétaire sera à Lyon ce mercredi dans le cadre des cantonales. « On verra », esquive le maire. « Je suis assez pris actuellement. » Deux jours plus tôt, lundi, il recevra toutefois François Hollande pour une rencontre privée, selon l’agenda de la fédération du Rhône.

Si ce livre n’est pas un règlement de compte, ce n’est pas non plus un livre programmatique de futur candidat. Et pourtant, être candidat aux primaires, notre Gérard qui, depuis plusieurs mois, est sur tous les fronts médiatiques, ne serait pas contre : « ça me plairait bien de porter ce débat lors des primaires », annonce-t-il tout de go. Pour cela, il faudrait néanmoins que son champion Dominique Strauss-Kahn, avec qui il s’est découvert « une communauté de pensée » ne se présente pas.

Alors c’est quoi ce bouquin ? C’est une collection de convictions que Gérard Collomb égrène depuis des mois, de plateau télé en studio radio, de discours en communiqué de presse, et qui se résume en une phrase : l’État-nation est dépassé. Le maire de Lyon se fait alors chantre d’une Europe forte, pour pouvoir rivaliser avec les États-Unis et le Japon aujourd’hui et la Chine et l’Inde demain. Puis, d’une décentralisation qu’il oppose à la vision « jacobine » et tout-centralisatrice de Nicolas Sarkozy. Il clame son amour pour l’entreprise dans la lignée des saint-simoniens, pour une écologie d’actions et non de paroles et une laïcité assumée. Rien de bien nouveau en somme, qui justifierait la sortie d’un livre.

« J’entends évidemment les critiques : vous jugez durement Nicolas Sarkozy et la vieille gauche, mais que proposez-vous ? », écrit-il en entame du troisième chapitre. Dommage juste qu’il ait omis de répondre à la question, se contentant de solutions bateau : la flexi-sécurité danoise pour le chômage, le modèle suédois pour les retraites.

Quand on demande au sénateur-maire sur quel succès en librairie il table, il répond : « vous savez, les livres politiques, ça se vend à 2000 exemplaires. » Son éditeur, Plon, pêche donc par un optimisme effréné, ayant porté le tirage du petit livre rouge de Collomb de 5000 à 7000 exemplaires. « Si on les vend, c’est bien », tempère néanmoins l’auteur. Un tel chiffre le classerait alors en milieu de tableau, selon un recensement effectué par le site web Linternaute, entre les deux extrêmes occupés par Simone Veil (Une vie, 671 531 exemplaires vendus) et Christine Boutin (Qu’est-ce que le Parti chrétien-démocrate ?, 38 exemplaires).

Info : Et si la France s’éveillait..., Plon, 214 pages, 19 €.

Publié le : samedi 5 mars 2011, par Tony Truand