La Cimade écrit au préfet

Roms : les expulsions illégales ?

« Les zones de non-droit, ce sont les pouvoirs publics », peste Jérôme Martinez, le secrétaire général de la Cimade, une association d’aide aux étrangers. Il dénonce des « mesures d’exception » prises, selon lui, à l’égard des Roms. Dans une lettre ouverte au préfet, l’association fustige des « atteintes quotidiennes aux droits, disproportionnées, coûteuses et inefficaces ».

Et si les reconduites à la frontière, dont font l’objet nombre de Roms, étaient illégales ? C’est en tout cas l’avis de la Cimade qui a défendu de nombreux cas devant le Tribunal administratif. « Les préfectures continuent à prendre des arrêtés, même s’ils sont cassés par les tribunaux, en espérant que les personnes concernées n’osent pas se défendre », s’insurge Myriam Matari, l’une des avocates de la Cimade.

Des procédures facilitées par la dernière réforme du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) qui a introduit la faculté d’expulser des ressortissants européens, même présents sur le territoire français depuis moins de 3 mois, s’ils s’y trouvent « dans le but essentiel de bénéficier du système d’assistance sociale ».

Une disposition appliquée notamment lors de l’occupation du centre social de Vénissieux. Plusieurs Roms se sont ainsi vu notifier une Obligation de quitter le territoire français (OQTF) au motif « que l’intéressé participe à l’occupation du centre social de la commune de Vénissieux où il sollicite un hébergement d’urgence », selon des associations.

La Cimade, qui a accompagné 64 Roms devant le Tribunal administratif depuis août 2010, a obtenu gain de cause dans 40 cas. Les juges ont souvent sanctionné les conditions dans lesquelles la police a recueilli des informations concernant ces personnes. « Des conditions portant atteinte à la dignité des personnes », s’indigne l’association dans sa lettre ouverte.

« Descente de dizaines de policiers très tôt le matin, regroupant femmes, enfants et maris au centre du terrain afin de procéder à des recensements », poursuit la lettre. « Ils récupèrent les documents qu’on leur tend et cochent les cases d’une fiche de renseignement : situation matrimoniale, date d’entrée,… Et avant que la personne ne signe, il n’y a pas de traduction des écritures de la police », ajoute Myriam Matari.

Pour la Cimade, même si la police établit désormais une fiche individuelle pour chaque personne contrôlée, il s’agit d’un « détournement de procédure » qui cacherait des « expulsions collectives », pourtant interdites par la Convention européenne des droits de l’homme.

Cette appréciation n’est toutefois pas partagée par le Tribunal administratif. « On n’arrive pas à obtenir des sanctions de la part des juges », déplore Céline Amar, une autre avocate. « Ils préfèrent traiter chaque cas individuellement et refusent de reconnaître l’expulsion collective. »

Publié le : mardi 13 décembre 2011, par Michael Augustin