Petit meeting d’un candidat en verve

Bayrou fustige la « vision partisane » des deux favoris

Multipliant les références au Conseil national de la résistance, François Bayrou a appelé à Lyon à dépasser les clivages gauche-droite pour sauver le modèle social français, le plus exigeant au monde selon lui.

La salle était pleine, mais pas très grande. A peine 1900 personnes étaient rassemblées lundi soir à l’auditorium Paul Bocuse à Eurexpo pour écouter leur champion. Il y a 5 ans, ils étaient 5 fois plus nombreux au Palais des sports.

Qu’à cela ne tienne, François Bayrou a justement raillé les rassemblements en plein air organisés dimanche par François Hollande et Nicolas Sarkozy, réunissant à chaque fois plusieurs dizaines de milliers de personnes. « C’était : nous, on a une plus grosse foule que les autres. Mais ni l’un ni l’autre n’ont rien dit aux Français », s’est-il écrié, avant de se moquer des « élans lyriques, des trémolos, soigneusement écrits à l’avance » des deux candidats.

« Chacun d’entre eux avait son peuple de France. Pour les uns, la France, c’est la gauche. Pour les autres, la France, c’est la droite. Pour nous, la France, c’est la France ! », a-t-il tonné, ressortant son registre habituel du candidat ni gauche ni droite. « Ils avaient une vision partisane, nous avons une vision nationale. »

Pour cela, sa référence était le Conseil national de la résistance dont il a revendiqué l’héritage. « Il a unifié les sensibilités différentes du pays, avec un objet : reconstruire le pays sur un projet de société qui ne ressemblerait à aucun autre. »

Une société aujourd’hui « en danger » en raison de la dette, a expliqué le candidat. Avant de s’en prendre aux deux favoris, accusés de « surenchère » dépensière. « Sarkozy annonce 12 milliards de dépenses nouvelles, François Hollande annonce 30 milliards », s’est-il indigné, leur reprochant de se livrer à un « concours de balivernes et de tromperies ».

Un discours offensif d’une heure et demie

Succédant sur scène à Cyril Isaac-Sibille, Jean-Luc Bennahmias et Bernard Bosson, le président du Modem a tenu à rendre hommage à Gilbert Dru, résistant français « déchiqueté par les balles allemandes place Bellecour », après s’être fendu d"un « J’aime Lyon ».

Dette, produire français, éducation et moralisation de la vie politique étaient les thèmes phares d’un discours fleuve d’une heure et demie, sans la moindre note et interrompu par quelques « Bayrou président » et « on va gagner ».

Le candidat centriste s’est longuement étendu sur le produire français, allant jusqu’à proposer à l’assistance des exercices de calcul mental pour chiffrer le potentiel d’emploi dans la filière bois en France, comparée à celle en Allemagne (550 000 postes manquants). Pour y remédier, le candidat propose la mise en place d’un commissariat aux stratégies de production, filière par filière. « Nous allons fixer les objectifs et faire le nécessaire pour que ces filières fassent aussi bien et même mieux que nos amis allemands ».

Après le bois, les télécoms. François Bayrou a ainsi fustigé France Télécom, « une entreprise dont l’État est actionnaire », qui fait désormais fabriquer ses décodeurs en Asie, et la Sécurité sociale, qui achète ses cartes vitales en Inde. « Si vous achetez en France, 50% de ce que vous payez revient dans vos caisses sous forme de cotisation sociale. Si vous gagnez 10% sur le prix en achetant en Inde, vous perdez les autres 40% », a-t-il calculé.

Les autres sujets n’était pas en reste, à l’instar de la moralisation de la vie publique, qu’il compte imposer par référendum. « Si on attend que les parlementaires changent les règles, on peut attendre longtemps », a-t-il raillé.

Sans oublier l’éducation, mal en point selon lui. « La France s’enfonce année après année dans les classements internationaux : 24ème sur 35 en compréhension écrite, 25ème en calcul et même 34ème pour la lutte contre les inégalités. » Il s’est engagé à protéger « poste pour poste » les moyens actuels de l’Éducation nationale, sans toutefois les augmenter, comme le propose François Hollande. « Qui peut croire qu’on peut créer 60 000 postes supplémentaires », s’est-il interrogé.

Offensif et spontané, alternant compassion, effarement, espoir et révolte, il a cité sa mère, dont la retraite était de « 668 euros par mois » et ce jeune homme docteur en philosophie « qui ne trouve même pas un stage ». Le chômage, « eux, ils voient des chiffres, moi je vois des visages », s’est-il écrié, tirant sur ses cordes vocales au point de faire tomber la veste en plein milieu d’une envolée sur le « surendettement (qui) menace d’écraser le pays ».

Un long discours de ce candidat classé désormais 5ème dans les sondages. Visiblement trop long pour certains. « Il y en a qui regardent leur montre... au premier rang », où étaient assis les officiels, a ironisé le candidat vers la fin de sa prestation. Trop long aussi pour les militants venus en transport en commun, qui ont dû se débrouiller en co-voiturage, la dernière navette TCL étant déjà partie.

Les photos du meeting sont sur www.flickr.com/lyoninfo

Publié le : mardi 17 avril 2012, par Michael Augustin