Le tournage commence en octobre

Ciné : deux Lyonnais veulent adapter une nouvelle russe

Créer une fresque historique russe de 30 minutes, voilà le challenge que se sont fixé deux jeunes cinéastes lyonnais. Leur projet : adapter la nouvelle Le portrait de l’auteur russe Nikolaï Gogol. Le film, qui raconte la déchéance d’un peintre, mobilisera 160 acteurs, figurants et bénévoles. Reste à trouver 40 000 euros pour monter le projet.

« J’ai eu très tôt un coup de foudre pour la littérature russe », confie Sylvain Malaise (25 ans). C’est à 16 ans qu’il tombe sur la nouvelle de Nikolaï Gogol. « Ça a été un déclic. Il fallait que je la voie en film », se souvient-il. Or, si les trois quarts des œuvres du russe ont été adaptés au cinéma, Le portrait n’a jamais trouvé le chemin des salles obscures. « Il a juste été pillé par Oscar Wilde dans Le Portrait de Dorian Gray », rigole Jérémy Parrot (24), le co-scénariste.

Deux amis d’enfance

Cinéastes pour l’instant encore plutôt amateurs, Sylvain et Jérémy se sont rencontrés au lycée Assomption Bellevue (La Mulatière). Arrivé d’Orléans à l’âge de 15 ans, Jérémy avait alors déjà 6 ans de conservatoire à son actif. Une fois le bac en poche, il se lance dans la réalisation de courts métrages. Avec un succès immédiat. Son premier film Nemesis, adapté d’une nouvelle de Roald Dahl, remporte le prix du jury à Chartres et tourne dans un grand nombre de festivals, dont celui de Cannes.

Sylvain, fils d’une comédienne et d’un technicien audiovisuel-réalisateur, baigne lui aussi dans le milieu depuis tout petit. Tantôt réalisateur, tantôt acteur, il a joué dans plusieurs films réalisé par Jérémy. « A chaque fois, je l’ai fait mourir d’une façon ou d’une autre », rigole celui-ci. Une sorte de fil rouge, signe de leur complicité.

Le projet prend forme

Quelques années plus tard, le projet d’adaptation ressort du tiroir. « Ce Portrait me taquine, mais je n’arrive pas à écrire », a alors confié Sylvain à son ami. Qu’à cela ne tienne, ils s’y collent tous les deux. Démarré en juin 2011, une première version du scénario sort en septembre, et la version définitive en janvier 2012.

Le projet plaît. 2800 acteurs envoient leurs candidatures, alors que tous les participants sont bénévoles. 60 comédiens seront audités pour constituer un casting de choix : Sandrine Rigaux (Le transporteur, Juge et flic...), Guy Piérauld (Domicile conjugal, La lumière d’en face...), Coline d’Inca (Interpol, Plus belle la vie...), ou encore l’ancienne miss météo de TLM, Julie Seebacher, figurent au générique.

« Tous ont un rapport avec Lyon », souligne Jérémy. « Ils sont tous, né à Lyon, marié à Lyon ou vivent à Lyon. L’idée était de travailler avec les ressources locales. » Et pas seulement en ce qui concerne le casting.

Les costumes sont ainsi signés Morgan Kirch, jeune espoir du Village des créateurs dont il a remporté le Prix talent de mode 2011. Le peintre lyonnais Philippe Chevrot s’est, lui, proposé pour réaliser les peintures qui apparaîtront dans l’histoire. Les scènes intérieures seront tournées à l’Opéra, partenaire de l’opération, et les extérieures dans les rues de Lyon. « On va enneiger pas mal d’endroits », rigole Jérémy. Histoire de reproduire les conditions de l’hiver russe.

Une nouvelle qui questionne la déchéance d’un peintre

L’intrigue, qui n’est pas datée, raconte l’histoire d’un jeune peintre. Celui-ci dépense ses dernières économies pour acheter le portrait d’un homme dont le regard convulsif le fascine. La vie de l’artiste bascule lorsqu’il découvre dans le châssis du tableau une importante somme d’argent. Enivré par les plaisirs matériels, il perd alors peu à peu ses talents artistiques, avant de sombrer dans la folie.

Publiée en 1835, cette nouvelle a été complétée sept ans plus tard par une seconde en forme de prologue. On apprend alors que le tableau, le portrait d’un usurier, est frappé d’une malédiction.

« C’est le portrait au vitriol d’une société », expliquent les deux co-scénaristes, qui ont décidé de réunir ces deux histoires en une seule. « Elle est tout à fait transposable dans notre temps. La condition de l’artiste, le jeu de l’affirmation du pouvoir, le paraître, tout est encore d’actualité. »

Plutôt que d’en faire un long-métrage, les deux amis ont décidé de garder le format court d’origine. « On avait peur que le film devienne trop contemplatif », explique Jérémy. « Le court-métrage est un moyen extra pour faire passer des messages. »

Un budget de 50 000 euros

Pour pouvoir réaliser le film, les deux compères doivent néanmoins rassembler 50 000 euros. Car si les participants sont bénévoles, d’autres frais sont incompressibles : location du matériel, pour pouvoir tourner au format cinéma, assurances, frais de tirage ou encore de doublage, car le film devra être accessible aux sourds et malvoyants.

Pour couvrir ces coûts, une souscription a été lancée sur le blog du projet : www.leportrait-lefilm.fr, où plusieurs formules sont proposées aux particuliers et entreprises. 10 000 euros ont d’ores et déjà été collectés, sachant que le temps commence à presser. « Ça serait bien de commencer à tourner en octobre », note Jérémy.

Des projections dans des écoles russes sont déjà programmées, ainsi que la présentation du film dans une quarantaine de festivals. Reste à savoir comment Sylvain va mourir cette fois-ci.

Publié le : samedi 30 juin 2012, par Michael Augustin