Visite ministérielle aux Buers

Egalité : jouer à la dînette, oui mais pour bricoler

« Madame, est-ce qu’il y a aussi un ministère des droits des hommes ? », veut savoir Louise, 10 ans, une petite brune à lunettes, les cheveux sagement tressés en natte. Najat Vallaud Belkacem, en visite ce lundi matin dans une école primaire de Villeurbanne, éclate de rire. « Mon ministère s’appelle des droits des femmes mais en réalité c’est le ministère de l’égalité hommes-femmes », explique-t-elle à la jeune élève de CM2. Et c’est précisément de l’égalité que la ministre est venue parler aux enfants et enseignants.

Depuis la rentrée, l’école de Château Gaillard, installée dans le quartier populaire des Buers, participe au projet pilote ABCD de l’égalité. Avec 45 autres écoles du Rhône, cet établissement, classé en réseau de réussite scolaire, expérimente l’apprentissage d’« une culture de l’égalité et du respect entre les filles et les garçons », selon le ministère. Au niveau national, 10 des 33 académies participent, soit quelque 600 classes.

Le programme a commencé à la rentrée dernière par une formation des enseignants. L’occasion pour eux de s’interroger durant trois heures sur leurs pratiques et leurs outils en classe. « Sur les images qu’on utilise, ce sont toujours les mères qui s’occupent des enfants et les pères qui conduisent la voiture », pointe Line Roche, l’une des enseignantes de l’école. « On a tendance à donner plus souvent la parole aux garçons pour les canaliser, parce qu’ils sont plus turbulents », ajoute sa collègue Julie Doussière. Deux demi-heures par semaine, elle fait travailler sa classe de grande section sur les jouets et les activités péri-scolaires. Un garçon, peut-il faire de la danse, une fille jouer au foot ?

Pas du tout impressionnés par la foule de journalistes, de caméras et d’appareils photos, les enfants ont livré ce lundi matin le fruit de leur réflexion à la ministre des Droits des femmes et son collègue de l’Éducation nationale. « Une dinette, c’est pour les filles ou les garçons ? », demande la maitresse. « C’est aussi pour les garçons », répond docilement la classe. « Pourquoi c’est aussi pour les garçons ? », insiste l’enseignante. « Parce qu’on peut faire du bricolage », tente Lorenzo, 5 ans, pull noir et coupe courte à la mode.

« A cet âge-là, ils n’ont pas tant de stéréotypes que ça », concède Julie Doussière, une fois la cohorte ministérielle partie. C’est tout juste si les garçons évitent le rose parce que « le rose c’est pour les filles ». « C’est à partir de sept, huit ans que cela commence, quand l’identité sexuelle s’affirme », avance Najat Vallaud Belkacem. Une analyse partagée par Guillaume Aubert, chargé d’une classe de CM1/CM2 qui note déjà chez ses élèves des « stéréotypes bien ancrés ». Ils sont le fruit, selon lui, de l’image renvoyée par les parents. « C’est toujours la mère qui passe l’aspirateur à la maison », pointe l’enseignant qui dénonce aussi la présentation « sexuée », d’après lui, des jouets dans les catalogues.

Dans cette classe des grands, les deux ministres discutent de métiers pour garçons et pour filles. « Il est dommage que des filles, qui réussissent pourtant bien à l’école, s’interdisent ensuite les filières scientifiques et d’ingénieur. Cela pénalise le pays entier », se désole Vincent Peillon. « Tous les enfants doivent pouvoir réussir de façon identique. »

« Madame, et c’est quoi votre métier ? » demande alors Nassim, 12 ans, à Najat Vallaud Belkacem. Avant que sa voisine Louise ne s’interroge sur le droit des hommes.

Publié le : lundi 13 janvier 2014, par Michael Augustin