En prison depuis trois ans

Subutex : un procès à haut risque pour Aurore

« On ne sait pas quand on reverra notre fille », s’inquiète Séline Gros-Coissy. Aurore, 27 ans et originaire de Saint-Romain-de-Popey près de Tarare, est incarcérée depuis trois ans à l’Ile Maurice pour trafic de stupéfiants. A son arrivée sur l’île, le police a découvert dans sa valise 1673 comprimés de Subutex, un substitut à l’héroïne délivré sous ordonnance en France, mais considéré comme une drogue à l’Ile Maurice. Le 2 septembre s’ouvre son procès au terme duquel elle risque 60 ans de prison.

Le 19 août 2011, Aurore Gros-Coissy atterrit au Sir Seewoosagur Ramgoolam International Airport, le principal aéroport de l’île. Ce sont ses premières vacances depuis trois ans. Son BTS dans l’agriculture en poche et avant de s’engager dans un emploi dans l’élevage, la jeune femme avait prévu de passer quelques jours de repos avec un ancien petit ami, Tinsley Cornell, un franco-mauricien établi en France.

Mais celui-ci lui pose un lapin, prétextant un empêchement professionnel. Quand Aurore atterrit seule à Plaisance, elle ne sait pas qu’elle est devenue à son insu une passeuse, une mule dans le jargon. Profitant d’un moment d’inattention de la jeune fille, Tinsley aurait glissé dans sa valise les cachets dissimulés dans deux paquets de biscuits, avant de prendre soin de la cadenasser. « Lui et son frère sont à la tête d’une véritable mafia », accuse Farid Dekhli, fondateur de l’association Victimes du Subutex France.

Une jolie prise pour la police locale, en guerre contre cette drogue qui ravage l’île. « Aurore a été balancée par un gang adverse », assure l’activiste associatif. Depuis, le jeune femme attend son procès à la prison de Beau-Bassin, toutes les demandes de libération sous caution ayant été rejetées. « On sait peu de choses sur les conditions de détention », déplore Bernard Bolze de l’Observatoire international des prisons, « mais on peut supposer qu’elles sont mauvaises ».

« Au téléphone, Aurore ne peut pas tout dire », précise sa mère. « Les conversations sont écoutées, les lettres lues. Au début, certains courriers et colis n’arrivaient pas. » Depuis Noël 2012, les parents peuvent néanmoins communiquer via Skype avec leur fille, dont ils assurent qu’elle « tient le coup ».

« Nous nous attendons à une parodie de procès, une longue litanie de témoignages », pointe Farid Dekhli. « Le juge se basera uniquement sur les rapports de la police », craint-il. « C’est à Aurore de prouver son innocence mais c’est sa parole contre la leur », ajoute Séline Gros-Coissy. « Son avenir se joue en territoire inconnu. »

Si la plupart des français inculpés pour ce genre d’affaires à l’Ile Maurice ont écopé de peines allant de 15 à 20 ans, la sentence pourrait être encore plus lourde pour Aurore. Contrairement aux autres et aux conseils de ses avocats successifs, la jeune tararienne a toujours refusé de plaider coupable, ce qui explique aussi la longueur de la procédure.

D’autant qu’aucun accord de coopération judiciaire n’existe entre la France et l’Ile Maurice, si bien que jamais personne n’a tenté de remonter la filière. « On s’interroge sur l’impunité dont bénéficient les acteurs en France », note Farid Dekhli. Des acteurs dont le trafic prospérerait de plus belle entre Barbès et Aubervilliers, selon lui.

Si les proches d’Aurore disent s’attendre au pire, un précédent devrait toutefois leur donner quelques espoirs. En novembre 2012, une autre française, Katia Terminet, a été libérée après 21 mois de détention. Toutefois, à la différence d’Aurore, les médicaments incriminés avaient été dissimulés dans la valise de son copain et non dans le sien.

Le procès est prévu pour durer une semaine, et le jugement devrait être connu d’ici une quinzaine de jours. « Nous nous battrons jusqu’au bout », a d’ores et déjà annoncé Séline, la maman.

Publié le : lundi 1er septembre 2014, par Michael Augustin