Parole de militant

Une enfant des Minguettes marche pour Macron

Elle se prénomme Soundès mais sur ses papiers d’identité est écrit Sondos. Ce prénom qui désigne une soie légère en arabe, avait manifestement été mal compris par l’agent de l’état civil. Quarante-trois ans plus tard, cette Vénissianne a été choisie comme suppléante par le député sortant Yves Blein, alors qu’elle ne fait de la politique que depuis deux ans.

Tout a commencé un jour de 2015. La justice venait d’annuler l’élection municipale à Vénissieux en raison d’une liste d’extrême droite irrégulière. Et voilà que les Vénissians retournent aux urnes et Lotfi Ben Khelifa, la tête de liste socialiste, tracte devant une école. Soundès Boujday avait déjà voté pour lui en 2014, et la discussion s’engage. Proposant ses services pour distribuer des tracts, elle se retrouve finalement colistière. Mais n’est pas élue, les socialistes n’obtiennent que trois sièges dans cette ville qui vote communiste depuis la Libération. Ce qui ne l’empêche pas d’aller assister avec assiduité aux conseils municipaux.

Depuis, « une vraie relation s’est construite avec Lotfi », se réjouit Soundès Boujday. En 2016, les deux mènent à Vénissieux la campagne du socialiste Jean-Jack Queyranne. Nouvel échec, le président régional sortant est battu par le républicain Laurent Wauquiez. Puis, en 2017 le téléphone sonne. Au bout du fil : Yves Blein, député socialiste sortant de la 14ème circonscription, fraîchement passé à la République en marche. Le maire de Feyzin cherche une suppléante. « Une Vénissiane », se souvient Soundès Boujday. Car Vénissieux, fort de ses 62 500 habitants est de loin la plus grande ville de la circonscription. La jolie Franco-Tunisienne tombe à pic. Elle a grandi aux Minguettes, avant de déménager au Charréard où ses parents avaient acheté une maison.

Ainée d’une fraterie de six enfants, elle garde de ses premières années sur le Plateau un souvenir de mixité réussie, où « on jouait tous ensemble sans se poser de questions sur nos origines ». Mais aussi celui de parents exigeants et sévères. « Jusqu’au bac nous n’avions pas le droit de sortir, et on ne regardait pas la télé, sauf le mardi soir », veille de jour chômé à l’école. Le père est ouvrier spécialisé chez Gallet à Vénissieux où on fabrique des tapis roulants pour les aéroports, la mère assistante maternelle. Les parents attachent une grande importance à l’éducation. Et pas question que la jeune Soundès aille travailler dans l’humanitaire comme elle le rêve. « Ce n’est pas un métier pour les femmes », tranche son père. Il la souhaite avocate ou médecin. Elle deviendra finalement comptable.

Son diplôme en poche, Soundès Boujday travaille dans une entreprise de chaudronnerie à Feyzin, puis pendant quatre ans dans sa filiale tunisienne. Un séjour au pays de ses parents dont elle n’aime pas parler. « Je n’ai pas réussi à m’intégrer », regrette-elle. Habituée à un mode de vie occidental, elle s’y est sentie « étrangère ». Son site de campagne nous apprend qu’elle y a eu le temps de se marier et de divorcer. On n’en saura pas plus.

De retour en France, Soundès Boujday trouve enfin l’occasion de s’investir dans le monde associatif. Les Restos du cœur de Villeurbanne sont à l’époque la seule structure à proposer un accueil du soir et donc un créneau compatible avec les horaires professionnels de la jeune femme. Tous les vendredi soir, elle y sert de la soupe chaude et des paniers repas aux plus démunis sur un parking à Flachet. Puis, elle organise les Vacances du cœur permettant à une trentaine de familles défavorisées par an de partir pendant une semaine. Elle quitte l’association villeurbannaise en 2015, à la mort de son président Pierre Garel. Pour donc mieux se lancer en politique.

Quand elle reçoit l’appel d’Yves Blein, elle hésite, consulte Lotfi Ben Khelifa, qu’elle considère comme son « mentor ». Celui-ci lui aurait dit : « fonce ! ». La voilà donc de retour sur les marchés à distribuer des tracts aux passants. Pourquoi Macron ? Là aussi elle a dû mal à se livrer. Tout juste apprend-on qu’elle apprécie son positionnement ni gauche ni droite. « Comme moi », sourit celle qui n’a jamais pris la carte d’aucun parti politique.

Et après les élections ? Elle a déjà les municipales 2020 en ligne de mire où elle souhaite proposer une « alternative » aux Vénissians, toujours avec Lotfi Ben Khelifa. Une liste composée « de jeunes et moins jeunes, de toutes origines, société civile ou pas ». Une liste qui lui ressemble.

Puis, elle fera enfin rectifier son prénom sur les registres officiels. « Les formulaires sont prêts », sourit-elle. Manque plus que le temps de les déposer.

Publié le : vendredi 2 juin 2017, par Michael Augustin