Sauver la planète à Lyon

Grand Lyon : le Plan climat, pourquoi c’est important

Alors que l’été 2018 a été le deuxième le plus chaud jamais enregistré par Météo France, alors que les états peinent à prendre la mesure du problème, tous les yeux se tournent vers les collectivités territoriales. Et voilà que le Grand Lyon travaille sur son prochain Plan climat. Un rendez-vous crucial pour la planète... et plutôt mal engagé.

Le Grand Lyon, ce sont 1,3 millions d’habitants qui émettent chaque année l’équivalent de 7,6 millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère. C’est beaucoup trop, car si tout le monde vivait comme les Français, on aurait besoin de 2,9 Terres. Or, on estime qu’entre 50 et 70% des solutions pour le climat se situent à l’échelle locale. Habitat, urbanisme, mobilités, industries, secteur tertiaire, autant de leviers que le Grand Lyon peut actionner.

Prise de conscience

L’éxécutif du Grand Lyon s’est tôt intéressé au dérèglement climatique. Dès 2005, l’Agenda 21 donnait les premières orientations. Depuis 2010, des Conférences énergie climat se succèdent. La cinquième s’est tenue le 23 novembre 2017. Et en 2012, le Grand Lyon a adopté son premier Plan climat avec trois objectifs ambitieux pour 2020 : baisser les émissions de gaz à effets de serre de 20% par rapport à l’an 2000, réduire la consommation d’énergie d’autant et atteindre 20% de production d’énergie à base de sources renouvelables.

Les résultats obtenus « sont éloquents », s’est félicité Bruno Charles, le vice-président en charge du sujet, lors d’un point d’étape en 2017. Ils le sont mais pas tout à fait comme il l’entend. Les émissions de gaz à effet de serre ont certes baissé de 16% entre 2000 et 2017 mais elles avait déjà reculé de 10% en 2012 lorsque le Grand Lyon a adopté son plan. Le bilan du Plan climat lyonnais se limite donc à 6 petits points supplémentaires sans aucun espoir d’atteindre l’objectif des 20% en 2020.

Pire, le reste de la France a baissé les siennes de 18,6% sur la même période. La Métropole n’est alors absolument pas « pionnier sur ces questions », comme l’a écrit son président David Kimelfeld dans le même point d’étape, mais à la traîne. Et ceci d’autant plus que cette baisse des émissions est avant tout le fruit des efforts consentis par l’industrie, sous l’impulsion du protocole de Kyoto. Les émissions de gaz à effet de serre étant désormais réglementées, le secteur les a quasiment divisé par deux depuis 1990.

L’autre grand pourvoyeur de CO2 dans l’aglomération avec une part de 17% est l’habitat. La Métropole a certes voté un budget de 30 millions d’euros pour accompagner l’éco-rénovation de logements anciens entre 2015 et 2020, mais seulement 7 millions avaient trouvé preneur fin 2017 pour retaper 2900 logements, dont 600 logements sociaux. Une goutte d’eau comparée aux 600 000 logements que compte la Métropole.

Ce ne sont pas non plus les constructions neuves, pourtant nombreuses dans l’agglomération, qui vont sauver la mise sur le territoire grandlyonnais. L’écologie n’y est pas une priorité. Parmi les quelques 500 écoquartiers labellisés en France, un seul se trouve à Lyon, à la Duchère. Et il ne brille pas vraiment par son audace environnementale. Quelques arbres, un peu de gestion des eaux pluviales mais aucun volet énergétique. Car à Lyon, dans le domaine de la consommation énergétique du bâtiment, on se contente toujours de la norme BBC, c’est à dire du minimum syndical.

Les déplacements sont ainsi le seul secteur où l’action du grand Lyon a porté quelques petits fruits. L’utilisation de la voiture a ainsi baissé de 6 points entre 2006 et 2015 pour désormais s’établir à 41,9%. Elle reste toutefois le premier mode de déplacement, loin devant la marche (35,3%) et les TCL (18,8%). L’utilisation du vélo est toujours aussi anecdotique avec 1,7% et ceci 10 ans après le lancement de Vélo’v.

Et ce n’est pas près de changer. La nouvelle Zone à faibles émissions qui recouvrira à partir de 2020 Lyon, Villeurbanne ainsi que certains quartiers de Caluire, Bron et Vénissieux aura été conçue pour surtout ne fâcher personne ou pas grand monde. Elle sera ainsi, certes, interdite aux utilitaires et poids lourds les plus polluants (et encore, puisque la Métropole prévoit des dérogations pour les artisans) mais absolument pas aux véhicules de particuliers, même fortement polluants.

Si la Métropole peut inscrire à son actif une politique volontariste de développement du tram, elle a été conduite au détriment du métro. Aucune nouvelle ligne n’a été construite à Lyon sous Gérard Collomb. Seules deux nouvelles stations ont vu le jour depuis 2001 : la Soie et Oullins. C’est ainsi que de nombreux quartiers, même à Lyon et Villeurbanne, restent encore en 2018 désespérément dépourvus de tout moyen de transport lourd. Il vaut mieux ne pas habiter Montchat, les Buers, Point du jour ou encore Saint Rambert si on a envie de se passer de la voiture.

Pas que les émissions

En ce qui concerne les deux autres engagements pris dans le premier Plan climat, le constat est encore plus accablant. La consommation d’énergie n’a baissé que de 9,5% entre 2000 et 2017, loin des 20% espérés, et la part d’énergie renouvelable atteint péniblement les 7%, sans aucun espoir de monter à 20% d’ici 2020.

Pas de quoi néanmoins doucher l’autosatisfaction enthousiaste de la Métropole de Lyon, qui à l’instar de Bruno Charles estime toujours être « sur la bonne voie » et pense pouvoir « être collectivement fiers » des résultats obtenus.

C’est dans un contexte aussi désastreux que le Grand Lyon planche sur son deuxième plan qui doit couvrir la période de 2020 à 2030. Et qui doit mettre l’agglomération en phase avec des objectifs européens autrement plus ambitieux : réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40% par rapport à 1990, porter la part des énergies renouvelables à au moins 27% et améliorer l’efficacité énergétique d’au moins 27%. Autant dire, la lune pour la Métropole de Lyon.

Et le timing est serré puisque le nouveau plan doit être présenté en janvier prochain pour être adopté en novembre 2019. D’ici-là, les travaux se font surtout en catimini. Si le Grand Lyon a mis en ligne un site très bien documenté sur la question du climat, il préfère en discuter avec des gens qui ne risquent pas trop de le bousculer. Ainsi, parmi la centaine de partenaires qui se sont agglutinés au fil de l’eau autour du Plan climat, on trouve, outre les communes du Grand Lyon, une trentaine d’entreprises, de A comme Adecco à V comme Veolia, le Medef et une vingtaine d’autres organisations patronales, toutes plus farouches défenseurs de l’environnement les unes que les autres. Mais aucune association écologiste, pourtant nombreuses à Lyon. Ni Greenpeace, la Frapna ou les Amis de la Terre, ni Attac, Oxfam ou Génération cobayes et encore moins des associations locales comme la Darly ou la Ville à vélo n’ont été conviées aux réjouissances.

Certes, une délégation de la Coalition climat Rhône, qui regroupe une dizaines de structures a été reçue par le Grand Lyon et a pu remettre une liste de 26 propositions réparties dans quatre domaines : transports, énergies renouvelables, habitat et alimentation. Rien de bien révolutionnaire mais déjà trop pour le Grand Lyon, à l’en croire Louison Charmoillaux, qui coordonne les travaux du collectif. « On nous a dit que ce serait très compliqué de tout garder », se souvient la jeune femme. Depuis, les portes du Grand Lyon se sont refermées aussi sec aux associations. Aucune autre réunion n’est prévue avec elles.

Elles ne comptent pas désarmer pour autant et essaient, tant bien que mal, de mobiliser les Lyonnais autour de ce sujet crucial. Une journée d’action est prévue le 8 septembre dans le cadre de la journée mondiale Dans nos rues pour le climat : une matinée de sensibilisation sur la canicule, les énergies fossiles et les effets du changement climatique à la Croix-Rousse suivie d’une chaîne humaine autour de l’Hôtel de ville à 15h.

Publié le : jeudi 6 septembre 2018, par Tony Truand