Alice et le maire

« Les gens pensent qu’on parle de la meuf de Collomb »

Depuis un an, le film agite le petit landernau politique lyonnais : Alice et le maire, long métrage de Nicolas Pariser sur un premier magistrat de Lyon à bout de souffle, a-t-il des allures de biopic sur Gérard Collomb ? Début de réponse ce mardi lorsqu’il a été projeté en avant-première dans quatre salles lyonnaises.

« Je n’arrive plus à penser. » Dès le début du film, Fabrice Luchini plante le décor. Il campe Paul Théraneau, maire socialiste de Lyon, en poste depuis longtemps. Tellement longtemps qu’il est devenu incapable de se renouveler. « Avant j’avais quarante, cinquante idées par jour. Mais ça fait vingt ans que je ne pense plus. » Pour lui redonner du peps, on décide de lui adjoindre une jeune normalienne, Alice Heimann, incarnée par Anaïs Demoustier.

Il n’en fallait pas plus pour énerver Gérard Collomb qui compte bien se présenter l’année prochaine à un quatrième mandat après déjà près de vingt ans de règne. Si bien que l’édile est revenu sur les autorisations données à l’équipe du film de tourner au sein de l’hôtel de ville et aurait même demandé à ses équipes de sécher le casting.

« Bizarrement, il y a eu un revirrrement », s’est aussitôt moqué Fabrice Luchini, en insistant sur les ’rrr’, devant les cinq cents spectateurs venus assister à l’avant-première du film. « Un mec de la mairie a cru que c’était la vie de Gérard Collomb. Qu’Anaïs Demoustier, c’était la meuf de Collomb ! » A trois semaines du début du tournage, qui s’est déroulé entre août et novembre 2018, voilà l’équipe obligée de changer de décor. « On s’est fait jeter par la doxa socialiste et c’est la droite qui nous a reçus », s’est exclamé l’acteur principal devant les spectateurs hilares à l’UGC Confluence. Le conseil municipal, présidé par un Fabrice Luchini baillant ostensiblement aux questions des adversaires politiques, a donc été tourné au conseil départemental, d’autres scènes intérieures à la préfecture et la mairie du 6ème.

A la conférence de presse (photo), l’équipe du film était ce mardi en opération déminage, soucieuse de ne pas en rajouter à la polémique. Le choix de Lyon ? Des raisons purement pratiques. « Je voulais une grande ville française où on parle sans accent », explique Nicolas Pariser. Parce que Fabrice Luchini « aurait été moins crédible en maire de Marseille ». Le personnage de Gérard Collomb a-t-il influé sur le scénario ? N’y pensez pas. Tout juste, le réalisateur avoue avoir regardé un peu la Chaîne parlementaire à la télé. Quant à son acteur principal qui se dit fan inconditionnel de l’émission C dans l’air, il ne s’intéresse uniquement à la politique internationale. Aucun rapport avec la politique lyonno-lyonnaise, qu’on se le dise.

Un maire à bout de souffle mais sympathique

« J’ai préféré être bienveillant », explique Nicolas Pariser son approche. Et son maire de Lyon a effectivement des traits plutôt sympathiques, loin du « tous pourris ». Usé par le pouvoir certes, mais toujours volontaire. Bâtisseur mais habité de doutes. Profondément humaniste mais pas très à l’aise avec la philosophie et n’ayant plus le temps de lire depuis longtemps.

« A l’origine du film, il y avait l’envie de travailler avec Fabrice Luchini », explique le réalisateur qui offre à son acteur un rôle à la hauteur de son talent, bien secondé par une Anaïs Demoustier solaire. Leur duo fonctionne bien et constitue le point fort d’un film qui plonge le spectateur dans les coulisses d’une grande administration, avec son effervescence permanente et son lot de communicants qui raisonnent en messages à 144 caractères. Le tout au milieu des beaux spots que la ville de Lyon a à offrir : ses berges du Rhône, son opéra, ses pentes de la Croix rousse, ses passerelles.

Mais voilà, un film c’est aussi une intrigue, et elle manque cruellement ici. Le film se perd dans des dialogues pompeux, souvent truffés de citations philosophiques et convenus. Sans fil conducteur, des sujets brûlants : le dérèglement climatique, l’épuisement des ressources naturelles, le pouvoir de la politique, l’influence de la finance... arrivent comme des Smarties qu’on colle sur un gâteau d’anniversaire, sans jamais être développés.

Le film, pourtant sélectionné à Cannes à la Quinzaine des réalisateurs, se résume ainsi à l’histoire d’un souverain et de sa cour, un côté d’ailleurs ouvertement assumé par le réalisateur : « Je voulais filmer un petit Versailles. Un Louis XIV et son mini royaume. » Toute ressemblance avec des personnages existants est-elle donc réellement fortuite ? Réponse le 2 octobre lors de la sortie en salles d’Alice et le maire.

Publié le : mercredi 18 septembre 2019, par Michael Augustin