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Voile intégral : « qu’on nous lâche le string ! »

Ce lundi, la loi du 20 octobre 2010 interdisant le port du voile intégral entre en vigueur. Une campagne d’affichage (photo) a été mise en place début mars pour sensibiliser les personnes intéressées. Les 6 mois qui se sont écoulés depuis le vote de la loi devaient justement servir à mobiliser les associations de femmes et de jeunes, pour faire connaître et promouvoir le texte. « Une période longue et nécessaire pour expliquer le sens de cette loi. Elle n’a pas été conçue pour stigmatiser une pratique religieuse », avait-on rappelé au ministère de la Justice. Or, chez les associations, la guerre des mots fait rage entre les pour et les anti.

On estime à quelques milliers le nombre de femmes portant le voile intégral en France. Impossible de savoir combien d’entre elles le font par conviction et combien y sont forcées. Ainsi, parmi les associations de diversité selon la formule consacrée, le débat fait rage entre celles qui clament la liberté religieuse et celles qui fustigent la soumission imposée aux femmes.

« C’est une loi scélérate qui s’applique à une catégorie de personnes bien précise », s’insurge Boualam Azahoum de l’association Diversité. « Ce n’est pas au législateur de définir comment les personnes pratiquent leur foi, comment elles doivent s’habiller. » « On va cloitrer les femmes chez elles pour leur propre bien. Où va-t-on ? », s’étrangle Ijtihad Lefebvre, une Française convertie et ancienne secrétaire du collectif des Féministes pour l’égalité. « L’État s’immisce dans la vie privée des gens. Qu’on nous lâche le string ! Est-ce qu’on dit aux mecs comment ils doivent se vêtir ? »

Chez Ni putes ni soumises, l’une des 3 organisations retenues par le gouvernement dans le cadre de la phase pédagogique, on voit les choses d’un autre œil. « Dans la plupart des cas, le port du voile est imposé », estime Farid Dekhli, le président départemental de l’association, pour qui « la burqa est une forme de prison ». « Si on ne met pas le holà aujourd’hui, on va se retrouver avec plein de victimes », prévient-il.

Depuis janvier, l’association a ainsi organisées une dizaine de réunions d’appartements. Une opération à haut risque, à l’en croire Farid Dekhli. « Pour des raisons de sécurité, on y va à 5 minimum », souligne-t-il. « Les fondamentalistes sont très organisés. On est régulièrement menacés, mais cela ne nous effraie pas plus que ça. Ça fait partie du jeu », se résigne-t-il.

Ces réunions ont souvent eu lieu dans l’entourage de la personne, chez des amis qui avaient alerté l’association. « Il faut être très diplomate », raconte Farid Dekhli. « On est là dans le cadre d’un débat. » « Très souvent, on rencontre un discours formaté. Nous tentons de démonter leur argumentation pour amener ces femmes à s’interroger. Mais on ne les fait pas changer du jour au lendemain. »

Une démarche qui ne convainc pas Boualam Azahoum. « Ce sont des débats de salon. Ni putes ni soumises ne connaissent pas la réalité des quartiers. »

On peut en tout cas s’interroger sur l’efficacité de cette phase pédagogique. Rencontrée place Bahadourian (Lyon 3ème), une jeune femme en niqab, affirme que la seule structure qui l’ait contactée, était une association, lui proposant de payer les 150 euros d’amende à sa place.

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Publié le : dimanche 10 avril 2011, par Michael Augustin