Malgré l’urgence climatique

Plan climat du Grand Lyon : plus pragmatique qu’ambitieux

« L’urgence est là. Nous devons agir vite et bien ! », s’est écrié David Kimelfeld devant 300 délégués réunis aux Subsistances pour la Conférence climat du Grand Lyon (photo). « Le défi est immense. Nous ne pouvons nous contenter d’ajustements. » Le président du Grand Lyon était venu présenter le Plan climat 2030, qui actera les engagements écologiques de la Métropole pour la décennie à venir. Fruit de quatre ans de travail mais trop timoré dans bien des domaines, ce plan reste malheureusement au milieu du gué.

« Est-ce que notre ville sera encore vivable à la fin du siècle ? On n’en sait rien », a dû reconnaitre Bruno Charles, vice-président en charge du climat au Grand Lyon. Le dernier rapport du Giec publié en septembre ne laisse effectivement peu de place à l’optimisme. L’objectif d’un réchauffement planétaire limité à 2 degrés, qui servait de marqueur à la conférence de Paris sur le climat (COP 21), « parait compromis », selon l’aveu même de Bruno Charles.

Les scientifiques tablent désormais sur une augmentation entre 3 et 5 degrés, voire plus. « Personne ne sait ce que plus 5 degrés signifie. Par contre moins 5 degrés, on le sait. La dernière fois que cela est arrivé, la mer de glace de Chamonix s’étendait jusqu’à Vaulx-en-Velin », a expliqué le vice-président.

Plus 5 degrés, selon les projections de la Métropole, entraînera 28 jours de canicule en moyenne par an dans l’agglomération lyonnaise, avec des températures entre 40 et 50 degrés. Une réduction de - 25 à - 40 % des précipitations annuelles, avec des conséquences dramatiques pour l’agriculture. Autant dire qu’à plus 5 degrés, il ne suffira plus d’acheter une clim. Les conditions de vie sur Terre auront radicalement changé.

Pour donc agir « vite et bien », la Métropole a dégainé son Plan climat air énergie territorial (PCAET). Un document d’une centaine de pages dont la dernière mouture publiée est téléchargeable ici. « Des choix extrêmement forts » pour répondre à une « urgence extrêmement forte » s’est enthousiasmé le président de la Métropole, David Kimelfeld, face aux 140 partenaires du plan réunis aux Subsistances : élus, entreprises et, pour la première fois aussi des associations. La réalité est malheureusement plus nuancée.

Un premier plan en demi-teinte

Le Grand Lyon n’en est pas à son coup d’essai. Les premières orientations dans le domaine remontent à 2007. A l’époque « personne n’avait compris ce qu’il votait », se gausse Bruno Charles aujourd’hui. Puis, dès 2012, la collectivité adopte son premier plan climat. Plutôt ambitieux, il s’agit de traduire à l’échelle locale les objectifs que l’Europe avait fixés pour 2020, les fameux trois fois vingt : 20 % d’énergies renouvelables, une réduction de 20 % des émissions de CO2 et 20 % de consommation d’énergie en moins.

Sept ans plus tard le bilan est peu glorieux. De combien ont été réduit les émissions de CO2 dans l’agglo ? Le Grand Lyon ne semble pas le savoir lui-même. De 16 % entre 2000 et 2016, selon un point d’étape publié en 2017 et consultable ici ? Ou de 21 % pendant exactement cette même période, comme élus et service presse veulent désormais le faire croire ? Dans le doute, les deux chiffres figurent dans le dossier de presse, et personne ne se hasarde à expliquer d’où viennent ces 5 points supplémentaires. Mais, l’un dans l’autre, comme les émissions françaises sont reparties à la hausse entre 2016 et 2019, le compte n’y est pas.

Toujours est-il que les émissions ont bel et bien baissé. Sauf que le Grand Lyon n’y est pas pour grand-chose. C’est en effet le secteur industriel, en réduisant ses émissions de 24 %, qui a été le principal moteur de la baisse du CO2 dans l’agglomération. Le transport routier et le logement, deux secteurs sur lesquels la Métropole aurait pu agir, restent largement à la traine avec des diminutions respectives de quelques 12 et 8 %.

Les résultats sont encore plus décevants dans les deux autres domaines du Plan climat de 2012. La production d’énergie renouvelable plafonnait ainsi à 7 petits pourcents en 2015, selon les dernières données disponibles, tandis que la demande énergétique n’avait reculé que de 9,5 % à la même date. On est loin des objectifs fixés. La population grand-lyonnaise a certes cru de 15 % durant la même période, mais cette progression avait bien été prise en compte (à 2 points près) dans les projections de 2012.

Manque d’ambition

Mais voilà, ces résultats en demi-teinte c’est de l’histoire ancienne. Désormais, promis-juré, on va voir ce qu’on va voir. Les émissions de CO2, n’ont qu’à bien se tenir, elles sont promises à un recul de 32 % entre 2020 et 2030, aidées par une baisse de la consommation énergétique de 28 %. Quant aux énergies renouvelables, leur part va croitre pour atteindre 17% en 2030. Et tant pis si ce n’est même pas l’objectif que le Grand Lyon s’était initialement fixé pour 2020. D’autant qu’énergie renouvelable rime pour le Grand Lyon essentiellement avec chaufferies au bois qui émettent, elles aussi, du gaz à effet de serre.

Car le Grand Lyon se veut pragmatique. « Tout ce qui est dans le plan climat est chiffré, et nous disons comment nous allons y arriver », s’est félicité Bruno Charles. Pour réaliser ses calculs, le Grand Lyon s’est en effet contenté de compiler un certain nombre de schémas concoctés ces dernières années, à savoir le Plan de déplacement urbain (PDU) de 2017, le Plan oxygène sur la pollution de l’air de 2016 et le Schéma directeur des énergies de cette année. Le problème est que ces programmes manquent cruellement d’ambition.

Le PDU qui doit montrer la marche à suivre dans le secteur des transports, responsable de 29 % des émissions de CO2 dans l’agglomération, continue ainsi à faire la part belle à la voiture. Les déplacements à vélo dans l’agglomération lyonnaise, selon ce plan, plafonneront à 8 % en 2030. C’est certes quatre fois plus qu’aujourd’hui mais peu de chose à côté de Strasbourg qui atteint ce pourcentage déjà maintenant. Et la capitale alsacienne est elle-même loin des meilleures élèves comme Copenhague où 30 % des déplacements se font à bicyclette.

Les transports en commun plafonneront, eux, à 22 % dans dix ans. Là aussi, d’autres villes européennes n’ont pas attendu pour faire mieux : A Francfort 39% des déplacements se font déjà en bus, tram et métro tandis que les Zurichois sont 63% à plébisciter les transports publics.

C’est donc sans grande surprise si la voiture restera encore reine en 2030 dans le Grand Lyon, même si sa part devrait légèrement reculer de 44 % à 35 %. Les pics de pollution ont alors encore de beaux jours devant eux. Et ce n’est pas le Plan Oxygène et sa zone à faible émission, en vigueur à partir du 1er janvier prochain qui va y changer grand-chose. S’appliquant aux seuls utilitaires et poids-lourds, il n’aura aucun impact sur la pollution et les gaz à effet de serre émis par les véhicules particuliers.

C’est finalement dans le secteur du logement que le Grand Lyon voit le plus grand. En tout cas sur le papier, avec un objectif de 200 000 logements éco-rénovés entre 2020 et 2030 et le même nombre d’habitations raccordées au réseau de chaleur de la ville. De plus, à cette même échéance, les 38 000 logements encore chauffés au fioul devront avoir été convertis à des carburants moins polluants. Le souci : entre 2015 et 2019, le Grand Lyon et son dispositif d’aide à la rénovation énergétique Eco’Rénov n’ont permis de retaper qu’un peu moins de 8000 logements. Soit moins de 2000 par an, alors qu’il en faudra 20 000 chaque année pendant dix ans pour atteindre l’objectif du Plan climat. Une gageure.

Pas de quoi doucher l’optimisme du Grand Lyon qui devra voter le document le 16 décembre prochain. « A l’unanimité », espère son président qui rappelle que le PCAET « engage les choix budgétaires de la prochaine majorité ».

Publié le : mercredi 4 décembre 2019, par Michael Augustin