En 50 ans, le CCO a développé plusieurs vocations inspirées des problèmes de société et de ceux du quartier. Pouvez-vous revenir sur les temps forts de son histoire ?
Le moment fondateur, c’est la création d’une aumônerie par Jean Latreille, prêtre et homme de science. Créé à coté de l’INSA (école d’ingénieurs installée sur le campus de la Doua, ndlr), le CCO avait vocation à accueillir des personnes venues de l’étranger. Le lieu se voulait un espace de liberté et d’expression pour toutes les paroles. Rapidement la vocation initiale s’est élargie au delà du religieux.
Le premier tournant intervient avec mai 68. Les religieux s’occupaient encore du lieu, mais n’accueillaient que peu de personnes dans l’aumônerie. Ils ont laissé le CCO aux groupes et aux associations issues du mouvement étudiant. Le lieu a accueilli des réunions, des temps de lutte, des concerts de soutien. Des associations de quartier ont également rejoint le lieu à la fin des années 60. Avec l’émergence de problèmes liés au chômage, à l’immigration maghrébine, aux droits de l’homme... de nouveaux groupes se sont créés autour de ces questions. On a organisé des concerts de soutien dans les années 70 contre la dictature au Chili, pour les luttes des Kurdes ou des Kanaks dans les années 80. Le CCO participe également à la Marche pour l’égalité en 1983.
Avec les années 80, nouveau tournant. L’État propose au CCO d’être référent pour des projets culturels en faveur des cultures dites populaires. Des nouvelles politiques de la ville sur les questions d’intégration des populations immigrées et de lutte contre l’exclusion sont créées (fond d’action sociale, développement social des quartiers). Le CCO commence à être subventionné. Des assos importantes naissent ici comme l’Association villeurbannaise du droit au logement. Par ailleurs, l’équipe commence à se professionnaliser. Jusqu’ici le CCO était géré par des bénévoles, des militants et des objecteurs de conscience. Aujourd’hui, nous sommes 8 salariés. Le CCO s’est quelque part un peu institutionnalisé.
Le dernier tournant s’est fait au moment de mon arrivée, autour de l’idée que l’expression artistique est un espace de changement et de développement social. L’action culturelle s’est fortifiée avec des festivals pluridisciplinaires, l’accueil de compagnies de danse, de musiciens de culture du monde et le développement de projets culturels participatifs.
Concrètement comment se traduit cette pluralité de vocations aujourd’hui ?
En tant qu’équipement de l’agglomération lyonnaise, le CCO accueille 380 associations, 70 groupes locaux et 35 000 personnes par an. Nous avons des studios de répétition, de danse, un lieu de concert. Le CCO c’est avant tout un espace de liberté et d’accueil de l’autre, quelque soit son origine. Cette vocation s’exprime à travers des actions culturelles, associatives, des concerts, des engagements, des luttes. On travaille à plusieurs échelles. Dans le quartier de Croix-Luizet, on travaille par exemple avec le Foyer d’en face, sur l’Apéro des voisins ou sur la Semaine du vivre ensemble. Mais on peut aussi accueillir des sans-papiers comme c’est le cas cet hiver avec le réseau RESF.
Au niveau régional, le CCO est impliqué dans plusieurs instances, comme la CRESS (Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire) ou la COREVA (Comité régional de la vie associative). Quant à la dimension internationale, elle est intégrée à travers l’action sur les problématiques internationales, mais existe aussi à travers des échanges franco-allemand ou franco-turque. Ces vocations sont soutenues par plusieurs co-financeurs : la ville de Villeurbanne, la Région, l’Etat. Et nous sommes autofinancés à hauteur de 20%.
Vous mettez l’accent sur le lien entre pratique artistique et participation citoyenne. En quoi l’acte artistique permet-il l’expression citoyenne ?
L’art comme production d’un imaginaire permet de raconter le monde. Mais il peut aussi créer des espaces-tiers, des espaces où l’on peut se transformer. Dans un projet participatif – car l’art n’a pas cette seule vocation – l’art permet aux uns et aux autres de créer quelque chose de commun. La parole partagée des gens produit de nouveaux imaginaires. A travers ces pratiques de rencontres artistiques on réinterroge la place, la capacité de chacun à être force d’initiatives et porteur de parole. Si ce sont toujours les mêmes qui imposent leur imaginaire, il n’y a pas de pluralité et on a un problème de représentation.
2013, quelles perspectives ?
A 50 ans, on va se donner un temps de réflexion sur le projet associatif. Tout d’abord il y a un déménagement à prévoir dans les 4-5 ans. Les lieux ont 50 ans, ils vieillissent. On a des difficultés pour isoler acoustiquement. C’était une aumônerie au départ, ça n’était donc pas la vocation architecturale de la salle d’accueillir du spectacle vivant. Ce déménagement pose aussi la question du projet. Quelles activités souhaite-t-on garder ou pas ? Nous sommes en discussion avec Villeurbanne pour la recherche de nouveaux locaux. Pour l’heure, on établit le cahier des charges. On mène une réflexion sur le numérique car il prend une place importante dans l’art. Aujourd’hui on bricole avec peu de place et d’équipement. Enfin, il y aura aussi une action à renforcer auprès de la jeunesse.
Info : 39 rue Georges Courteline, Villeurbanne, tél. 04 78 93 41 44, programme : www.cco-villeurbanne.org