Le 24 décembre 2004, Gérard Collomb signait la vente, de 10 immeubles haussmanniens datant de la fin du XIXème siècle, au fond de pension américain Cargill. La transaction se chiffrait à un peu plus de 87 millions d’euros. « Nous avons utilisé cet argent pour financer les remises à niveau des écoles et locaux gérés par la ville sans endetter les Lyonnais », justifia le maire de Lyon. Des critiques se faisaient néanmoins vite entendre, de nombreux observateurs estimant que le prix était sous-évalué. En effet, à peine un an plus tard, en 2005, Cargill revend les seuls pas-de-porte du quartier pour la rondelette somme de 98,873 millions d’euros à la SA Les Docks Lyonnais.
Le nouveau propriétaire s’attelle à faire le vide, ne renouvelant pas les baux des petits commerces. L’idée est de faire de Grolée et de ses immeubles cossus, un quartier de luxe à l’image de l’avenue Montaigne parisienne. Une opération qui n’est pas du goût de tout le monde. « L’équilibre social de tout un quartier va être pulvérisé par des tarifs que même la place Bellecour n’a jamais connus », prévenait déjà en novembre 2006 Denis Broliquier, le maire du 2ème arrondissement. Un cri de Cassandre qui devait s’avérer juste.
Les Docks Lyonnais, après avoir réhabilité les locaux, lançaient la commercialisation des 50 rez-de-chaussée (19 000 m²) vacants le 2 juillet 2009, en pleine crise économique et financière. Les vitrines, bien que recouvertes de chatoyants stickers aux couleurs de la nouvelle marque Up in Lyon restent désespérément vides. Les enseignes de luxe, implantées dans le carré d’or lyonnais autour de la rue Edouard Herriot, ne se bousculaient pas, tandis que d’autres candidats, comme les traiteurs Paul Bocuse et Fauchon, ont été dissuadés par les prix demandés : jusqu’à 2000 euros le m².
Il fallait attendre le 26 avril 2011 pour que le premier locataire emménage dans un des immeubles des Docks Lyonnais. Pas vraiment une enseigne de grand luxe puisqu’il s’agit de la chaîne de parfumeries Sephora. Pas vraiment au cœur du quartier non plus puisque le magasin donne sur le place de la République. « Le magasin est trop loin du cœur du quartier » pour attirer des chalands, se désespère l’un des derniers survivants, le buraliste Lucien Luste, président de l’association Défense du quartier Grolée. « Sephora sera une locomotive pour le quartier », croit au contraire Gérard Collomb et souhaite que « le cœur de Lyon devienne l’écrin de la ville ».
En même temps que l’arrivée de Sephora, les Docks Lyonnais ont ouvert en toute discrétion un espace commercial à l’angle Grolée/Carnot. Aménagé en loft de luxe, l’agence doit attirer de nouvelles marques. Avec quel succès ? Impossible de le savoir. « On a des contacts », se contente de déclarer Catherine Camus de l’agence Shaftesbury qui s’occupe de la commercialisation. Selon les information du Progrès, 4 nouvelles enseignes doivent s’installer à la place de l’ancien institut de beauté haut de gamme Christine Margossian. Des sociétés de service. Là aussi on est loin de l’avenue Montaigne. « Ils ne le feront pas leur quartier de luxe », peste Lucien Luste.
D’autant plus que la seule enseigne de prestige présente dans le quartier, le maroquinier Zilli, semble vouloir faire ses bagages. Après deux braquages en 2008 et 2010, l’enseigne n’a pas caché sa colère : « C’est le Bronx ici. Le quartier Grolée est un quartier désert, fantomatique. » Même à la Ville, on semble s’être fait une raison. « Ce sera un quartier moyenne de gamme », reconnaît Marie-Odile Fondeur, adjointe au commerce. Il n’y a guère plus que Gérard Collomb pour espérer que « dans les prochaines années le quartier Grolée deviendra un quartier important ». L’avenir nous le dira.