« Ce n’est pas nul ce qu’on va faire ! » s’est écrié Gérard Collomb à l’issue de la conférence de presse, au cours de laquelle les deux finalistes ont présenté leurs projets. « Les deux groupements retenus sont ceux qui touchent le moins à la structure, ceux qui conservent les ensembles patrimoniaux » au sein de ce site de 35 000 m². Une démarche toutefois inédite, car habituellement ni le public ni les autres concurrents ne doivent prendre connaissance des dossiers en lice avant la décision finale.
Nexity, le choix du maire
Depuis le début de la concertation, Gérard Collomb n’avait pas caché sa préférence pour le projet présenté par cette filiale de la Caisse d’épargne. Grand luxe, il prévoit un hôtel 5 étoiles de 164 chambres sous l’enseigne de l’Américain Hyatt, qui exploite 434 hôtels dans le monde, dont de nombreux palaces. Doté, côté rue Bellecordière, d’un magnifique geste architectural sous forme d’une fresque en verre illuminée dans le style Art Nouveau, imaginée par l’architecte français Rudy Ricciotti, le projet correspond à l’idée que le maire de Lyon se fait du rayonnement international qui devra émaner du site.
Eiffage, le projet lyonnais
Beaucoup plus sobre, ce projet n’est cependant pas dénué d’atouts. Le maître-mot ici est l’ouverture aux Lyonnais. Côté Bellecordière, point de fresque mais quelques bâtiments nouveaux sans grande ambition architecturale, à juger sur l’animation 3D présentée aux journalistes. Toutefois, et contrairement à Nexity, ceux-ci encadrent une place publique, bordée de bars et restaurants, ouvrant ainsi le site sur l’extérieur et invitant les passants à la promenade.
Mais le projet Eiffage se distingue surtout quant à la place réservée à la santé. Si le cahier des charges des HCL, qui restent propriétaires des murs, exclue toute activité de soin, de nombreuses initiatives ont vu le jour pour maintenir sur ce site historique des activités publiques liées à la santé. Ainsi, une pétition de soutien à la création d’un Pôle régional de promotion de la santé (PRPS), regroupant une vingtaine d’associations, a reçu plus de 7500 signatures. Une autre visant à soutenir le projet de musée de la santé du Professeur René Mornex a été signée par 5000 personnes dont près de 1200 médecins.
L’architecte lyonnais Albert Constantin, à qui on doit la future tour Incity, a su finement exploiter ce filon. « C’est à l’Hôtel-Dieu que la radiologie et la chirurgie orthopédique ont été inventées », a insisté l’architecte. Son projet prévoit donc un musée de la santé de 4000 m² permettant de regrouper les différentes collections actuellement éparpillées à travers la ville, en connexion avec un centre de congrès de la même surface pouvant accueillir les nombreux colloques de médecins qui se tiennent à Lyon. Chez Nexity, on se contente de vouloir maintenir le musée actuel (moins de 1000 m² et 400 000 euros de déficit annuels), en affirmant qu’il « fonctionne ».
Des arguments qui ont visiblement fait mouche et permis à Eiffage de rentrer dans la boucle. Dans les semaines qui viennent, Gérard Collomb va donc demander aux 2 finalistes des « précisions d’ordre financier, juridique, architectural ». Le temps peut-être pour Nexity d’intégrer dans son projet l’aspect santé et pour Eiffage, de donner du peps architectural au sien.
L’opposition s’oppose
La sélection des 2 candidats s’est faite « à l’unanimité » moins 1 voix, celle de Denis Broliquier. Très critique envers ce qu’il appelle « la méthode Collomb », le maire du 2ème n’a pas pris part au vote. « Je n’ai pas eu connaissance d’un seul de ces projets. Je n’ai aucun élément, aucun dossier », s’était-il plaint la veille dans une interview sur le site de Lyon Mag. « C’est Collomb qui décide tout seul », a-t-il ajouté à l’issue de la conférence de presse, se disant néanmoins satisfait que la mobilisation des Lyonnais pour le musée et le PRPS aient porté leurs fruits. « On aurait pu mobiliser de l’argent public pour le musée ou l’accueil de malades du Sida », estime le maire divers-droite.
« Gérard Collomb a toujours fait preuve d’autisme à l’égard de ce scénario abandonnant la responsabilité du maire défenseur de l’intérêt public », déplore Michel Havard dans un communiqué. « Heureusement, certains candidats à la reconversion de l’Hôtel-Dieu savent faire preuve de plus d’ouverture que lui en proposant par exemple la conservation voire l’extension du musée. » L’autre opposant à droite, Emmanuel Hamelin déplore que « ce n’est plus un maire que nous avons, mais un promoteur immobilier qui vend par lot (quartier Grolée), ou à la découpe (Hôtel Dieu) le patrimoine des Lyonnais [...] Pourtant, le coup des magasins de luxe, Gérard Collomb nous l’avait déjà fait, et pas très loin, sur le quartier Grolée. Hélas, depuis des années, on ne voit rien venir, si ce n’est les commerçants partir... »