« Depuis longtemps j’avais envie de faire un film avec une actrice vraiment enceinte », confie François Ozon, le réalisateur (Le Temps qui reste, Swimming Pool). Passé maître dans l’art d’explorer la complexité et l’intimité de ses personnages, il raconte avoir eu envie de traiter de la maternité autrement. « C’est un thème que j’ai souvent abordé mais jamais en tant que tel. Elle était soit éllipsée, soit montrée rapidement avec un faux ventre, soit le film commençait après la naissance. »
Lorsque Isabelle Carré a accepté de participer à ce projet, elle était déjà enceinte de 6 mois. Il a donc fallu écrire et filmer très vite et travailler en deux temps : d’abord le tournage du milieu du film pendant le septième mois de sa grossesse, puis celui du début et de la fin quelques temps après son accouchement. « Tout de suite, on allait à l’essentiel, souligne le metteur en scène. Il n’y avait pas de filtre, ni les étapes scénaristiques habituelles qui font que l’on met les choses plus à distance ». C’est aussi une des raisons qui l’ont poussé à travailler en HD : « Comme il fallait travailler vite et en équipe légère, je me suis dit que c’était l’occasion de faire l’expérience de la HD. Cette manière de faire était en adéquation avec l’histoire que je racontais ».
Dans une société où la maternité est sublimée, objet d’attirance et de fascination, l’histoire de Mousse, est celle d’une femme dure, magnifiquement incarnée par Isabelle Carré. Droguée et enceinte, elle est fragile mais lucide : elle sait qu’elle n’a pas d’instinct maternel. Si elle garde cet enfant ce n’est pas parce qu’elle a choisi de devenir mère. « Mousse est dans le déni de sa maternité », note Isabelle Carré, « la présence d’un bébé dans son ventre est d’avantage celle de l’homme, qui est mort, et qu’elle aimait. Inconsciemment elle fait une sorte de transfert d’une présence disparue vers son bébé à naître ».
Le personnage de Paul est interprété par le chanteur Louis-Ronan Choisy, son premier rôle au cinéma. François Ozon n’avoir pas voulu d’un acteur professionnel mais d’un garçon doux et sensible : « Je voulais face à une actrice confirmée comme Isabelle quelqu’un de vierge, de pur ». Lorsqu’il arrive dans la vie de Mousse, blessée et résistante, il est lui-même en quête d’identité et d’amour maternel. Ce conflit va faire naître entre eux un lien très fort, une légitimité.
Louis-Ronan a également signé la chanson du film, Le Refuge. Comme le scénario, elle se calque sur l’émotion des personnages. « François voulait une chanson tendre et mélancolique, comme une berceuse », explique t-il. « Il m’a encouragé à aller à l’essentiel, à faire de cette mélodie une ritournelle. On travaillait le soir après la journée de tournage. C’était notre récréation ! »
Présenté au Festival du Film de Toronto ainsi qu’au Festival de San Sebastian, le Refuge tire le portrait juste d’une jeune femme qui trouve refuge dans la drogue, puis dans le deuil et la grossesse. Si le thème est douloureux, il n’est pas mouvementé dans les actions et rend à cette histoire toute la lumière qui lui est due.
– Long-métrage français
– Réalisé par François Ozon
– Avec Isabelle Carré, Melvil Poupaud, Louis-Ronan Choisy, Pierre-Louis Calixte, Claire Vernet, Jean-Pierre Andréani, Marie Rivière, Jérôme Kircher, Nicolas Moreau, Emile Berling, Maurice Antoni
– Durée : 1h30
– Genre : Comédie dramatique
– Site officiel : www.lerefuge-lefilm.com
– Sortie : 27 janvier