« Tous ces gens vont regarder Les affranchis ? » s’est exclamé, candide, son auteur au moment où l’immense salle était sur le point de s’obscurcir pour la projection du long métrage. Vif, violent et survolté, nommé six fois aux Oscars, le film est l’une des pièces maîtresses de l’œuvre de Martin Scorsese.
En plongeant dans le quotidien des truands new-yorkais du milieu du XXème siècle, le réalisateur dresse ici un portrait réaliste, presque documentaire de la mafia américaine. Un travail qui lui a valu, d’être « blacklisté de certains restos italiens de New York », s’était-il amusé au cours d’une master class qu’il animait deux jours plus tôt. Ses détracteurs lui reprochaient alors d’idéaliser le crime.
Sauver le septième art
« Il y a un besoin de se battre pour le cinéma contre la folie des images », s’est écrié Martin Scorsese plus tôt dans la soirée, après la diffusion de quelques clips en hommage à l’histoire du cinéma et aux œuvres du lauréat. Un combat cher au cinéaste dont la fondation The Film Foundation œuvre à la restauration de films anciens du patrimoine cinématographique mondial.
Cette septième édition du Festival Lumière aura permis aux Lyonnais de retrouver, tout au long de la semaine, les émotions et la cinéphilie des salles obscures. De Chien enragé (1949) à Spartacus (1960), les écrans de la métropole de Lyon ont vibré au rythme de larges thématiques. La nuit de la peur, samedi soir, a vu se côtoyer des films de George Romero (La nuit des morts-vivants), Sam Raimi (Evil Dead), John Carpenter (The Thing) et James Wan (Insidious).
Un autre géant de l’histoire du cinéma était à l’honneur cette année, Akira Kurosawa. Grand admirateur du cinéma muet, ses films se distinguent par une mise en scène soignée. A l’instar de Vivre, un long métrage qui raconte l’histoire d’un homme à qui il ne reste plus que quelques mois à vivre. Atteint d’un cancer de l’estomac, ce chef de l’accueil d’une mairie, décide alors de se mettre au service de ses administrés.
De nombreux documentaires ont été diffusés, notamment Belmondo par Belmondo, mardi au Pathé Bellecour, retraçant la carrière de l’acteur français, présent pour l’occasion. D’autres personnalités étaient également à l’honneur de documentaires : Ingrid Bergman, Alfred Hitchcock, François Truffaut, Gérard Depardieu, Pierre Rissient ou encore Romy Schneider.
Le festival s’est encore une fois distingué par une programmation extrêmement riche. Aux côtés de films muets (La passion de Jeanne d’Arc de Carl Theodor Dreyer), se trouvaient des films des années 1980 (Hôtel des Amériques d’André Téchiné), de très nombreuses restaurations (Les fous de Bassan d’Yves Simoneau), de films mexicains (Enamorada d’Emilio Fernandez), de films français conseillés par Bertrand Tavernier (Battement de cœur d’Henri Decoin), d’un hommage pour l’acteur Jean Yanne (Regarde les hommes tomber de Jacques Audiard), de films avec Mads Mikkelsen (Le guerrier silencieux, Valhalla Rising de Nicolas Winding Refn), d’un hommage à Pixar (Toy Story de John Lasseter), à Julien Duvivier (Pépé le moko) d’une carte blanche pour Martin Scorsese (Le crime était presque parfait d’Alfred Hitchcock), ainsi que de ses films (Taxi driver).
Grand absent de la cérémonie, le président de ce festival Bertrand Tavernier, convalescent, n’a donc pu s’adresser au lauréat comme il en a l’habitude. Le directeur du festival, Thierry Frémaux, s’est toutefois voulu rassurant en annonçant que son opération s’est bien déroulée.