Selon le mythe grec, raconté notamment par Ovide dans les Métamorphoses, Orphée, désespéré par la mort de sa femme Eurydice, emportée par les morsures d’un serpent le jour de ses noces, obtient du dieu Hades la permission exceptionnelle d’aller chercher sa femme aux Enfers. Mais à l’unique condition qu’il ne se retourne pas ni ne lui parle avant d’avoir atteint le monde des vivants. Or, inquiet de ne plus entendre les pas de sa femme, Orphée se retourne et perd ainsi à jamais Eurydice qui meurt une seconde fois.
Orphée et Eurydice est le trentième et le plus célèbre opéra de Christoph Wilibald Gluck (1714 – 1787). Le compositeur allemand choisit dans son livret en italien de 1762 de réécrire l’histoire pour lui donner une fin heureuse. En effet, touché par sa douleur, l’Amour décide de rendre Eurydice à Orphée, réunissant ainsi à nouveau les deux amants.
Nous avons aimé :
Les voix : elles sont toutes sublimes, des deux héros – Orphée (Christopher Ainslie) et Eurydice (Elena Galitskaya) – aux Amours (les petits élèves de la Maîtrise de l’Opéra de Lyon) en passant par le chœur. A noter en particulier la très jolie voix, aux notes très tenues, du contre-ténor Christopher Ainslie.
La musique : lancinante, douce et charmeuse – parfois poignante - comme l’amour, l’Orchestre de l’Opéra de Lyon dirigé par Enrico Onofri ravit les mélomanes. Avec une mention spéciale pour la harpe (Sophie Bellanger) – mythe d’Orphée oblige ! – et le hautbois (Luca Mariani).
Le jeu dramatique de Victor von Halem (Orphée vieux) : avec son faux air de Michael Lonsdale, ce célèbre Basse est émouvant dans le rôle d’un Orphée âgé qui, au soir de sa vie, n’a jamais vraiment existé, n’a jamais vraiment pu aimer, et a vécu tel un somnambule dans le souvenir de l’être aimé.
La scène I de l’acte II : lorsqu’Orphée chante : « Ombres accablées, je souffre/Comme vous mille tortures, je souffre aussi !/Je porte mon enfer avec moi » ; puis : « vous seriez moins cruels/Pour mes pleurs, mes lamentations/Si, un seul instant, vous éprouviez/Ce qu’est la souffrance d’aimer ». Suit alors un tableau scénique très fort, lorsque les ombres infernales, charmées par le chant d’Orphée, l’entourent et l’acceptent comme l’un des leurs…
L’air Che faro senza Euridice (Que ferai-je sans Eurydice ?) : peut-être l’air le plus célèbre et le plus poignant de cet opéra à la fin de la scène I de l’acte III.
Nous avons moins aimé :
La mise en scène de David Marton : la volonté de modernité du metteur en scène ne fonctionne pas. Associer à cet opéra poignant la projection simultanée d’un texte aussi fort et désespéré qu’est Le Calmant (1945) de Samuel Beckett divise l’attention : il est difficile de lire à la fois le texte de Beckett et les sous-titres en français du livret italien… Résultat : la pièce perd en tension dramatique. Un opéra aussi riche en émotions se suffit à lui-même.
Les costumes et le décor : banalisés (une gare, des vêtements des années 50, un dîner familial) ils aplatissent l’intensité dramatique d’Orphée et Eurydice. Cet opéra aurait sans doute gagné à miser sur une mise en scène onirique ainsi que des costumes et des décors intemporels aux lignes classiques et aux couleurs sobres, proches de l’allégorie.
Toutefois, quel que soit le parti pris scénique, cet opéra assez court – 1h35 – vaut le déplacement ne serait-ce que pour la qualité des voix et le plaisir de découvrir ou de redécouvrir l’Opéra des opéras, puisque l’Orféo est initialement un opéra de Monteverdi joué en 1607 à Mantoue. Et puis nul amoureux sur Terre ne peut rester insensible aux tourments infernaux liés à la perte de l’être aimé…
Info : dernière représentation dimanche 29 mars à 16h à l’Opéra de Lyon.