Premier enseignement à tirer de ce premier tour : Jean-Jack Queyranne est bien le patron de la gauche rhônalpine et quasi assuré de retrouver son fauteuil de président de région. « Le PS est le parti qui réalise la plus forte progression, par rapport aux Européennes », se félicite le chef de file socialiste. Il se dit serein quant aux négociations qui débuteront lundi matin à 8h à la Mutualité : « On tiendra compte du poids de chacun. C’est ce qui a été fait en 2004. »
Et c’est exactement ce que demandent les Verts. « Ce qui est non négociable, c’est le respect du choix des électeurs », martèle Didier Jouve, vice-président sortant et numéro 3 dans la Drôme. Et de préciser : « en 2004 nous représentions un quart de la majorité, aujourd’hui un bon tiers. » Pour Étienne Tête aussi, le programme commun devra se faire au prorata. Exemple : l’éco-conditionnalité, chère aux Verts. Au lieu de soumettre toutes les aides de la région à ce critère, ça ne sera le cas que de la moitié, propose-t-il. Sinon, point de déception chez les écologistes, malgré un score en dessous des prévisions. Au QG qu’ils avaient improvisé au Bistrot de l’enregistrement, à un jet de patate non OGM de la Préfecture, les quelque 50 militants réunis applaudissent chaque score régional qui défile à la télé. En attendant Philippe Meirieu qui arrive vers 20h30. Accueilli en héros, il trouve que « 17,5% c’est une belle victoire pour nous. On existe dans le paysage électoral rhônalpin et national. » Avant, il indiquait néanmoins « deux points d’inquiétude : le score du Front national et l’abstention. »
Les sondages avaient prévu un taux de participation de 53 à 54%, cela aura été le pourcentage de l’abstention (57,13%). Plus d’un électeur sur deux a boudé le scrutin. A l’UMP (26,39%), où on se rassure comme on peut, quitte à pratiquer la méthode Coué, on veut y voir une réserve de voix. « Les abstentionnistes sont majoritairement dans notre camp », explique le maire de Caluire Philippe Cochet. Michel Forissier, son collègue de Meyzieu, où 60% des électeurs ne sont pas allés voter, promet d’écrire à tous ses administrés afin de les mobiliser pour le deuxième tour. Parmi les responsables du parti présidentiel, le secrétaire départemental était le seul à reconnaître qu’« il n’y a pas de quoi pavoiser. » Et d’admettre : « on s’y attendais un peu. On a reçu le signal que nos électeurs ne nous ont pas envoyé aux européennes ». En juin 2009 l’UMP avait encore fait en Rhône-Alpes son meilleur score national. Pour lui, comme pour beaucoup de responsables du parti sarkozyste, la faute est à l’ouverture pratiquée par le président de la république, qui serait incomprise par ses électeurs. « Ce n’est pas catastrophique », estime toutefois Michel Forissier, qui pense pouvoir grappiller les voix du Modem et d’une partie d’Europe Écologie. « L’écologie populaire c’est nous », estime aussi Philippe Cochet.
Quant au Modem, il n’a pas réussi à créer la surprise qu’il avait annoncé. Avec 4,33% en Rhône-Alpes, Azouz Begag a fait un score dans la moyenne nationale et ne passe pas la barre de 5% nécessaires pour pouvoir fusionner. L’ancien ministre à l’égalité des chances a commenté les élections à partir de son QG de campagne villeurbannais. « Un échec pour la démocratie » a-t-il jugé en parlant du score du FN et du taux d’abstention. Comme il ne s’est pas rendu à la préfecture, où la presse l’attendait, c’est le président départemental Cyrille Isaac-Sibille qui a répondu aux médias. Il a dit sa « colère » face à un pays qu’il trouve « hémiplégique ». « La démocratie en France va mal », a-t-il tranché, avant de dire sa déception pour Azouz Begag et d’annoncer que le Modem devrait se mettre en question pour préparer l’échéance de 2012. « Il y a du boulot », a-t-il conclu. Pour Eric Lafond, écarté de la campagne, tout comme son président fédéral, c’est la ligne politique d’Azouz Begag qui est en cause. « La politique de la barre à gauche toute n’est pas passée », a-t-il jugé. Et de pointer que le parti qui avait recueilli 10 000 voix aux municipales et aux européennes n’en fait plus que 6000. « Ce n’est pas une surprise », juge le conseiller communautaire Marc Augoyard, qui déplore une « non-campagne, non-organisation et un non-programme. »
Soirée de fête en revanche au Front de gauche, dont l’un des buts était justement de dépasser le Modem, pour l’exclure des négociations avec les autres partenaires de gauche. Avec 6,31% cet objectif est atteint, tout comme celui de dépasser le score des européennes (5,24%). « Le Front de gauche est un mouvement relativement nouveau », commente sa tête de liste Élisa Martin. « On s’installe dans le paysage politique. » Il est néanmoins très loin de son troisième but qui était de dépasser le Front national « pour l’honneur ».