Une grande partie de ceux rencontrés au dépôt sont affectés à la ligne C3, l’une des plus chargées du réseau. Elle fonctionne de 4h33 à 1h44, sept jours sur sept. Les conducteurs travaillent six jours d’affilée, tantôt le matin, tantôt le soir. « Je travaille trois week-ends par mois », raconte l’un deux. Avant, pour un week-end travaillé, ils récupéraient un jour de repos, qu’ils pouvaient poser à leur guise. « Ce système servait beaucoup notre vie de famille », embraie un autre conducteur. « Je pouvais poser un jour pour garder mes enfants quand ma femme travaille. » « Quand on a roulé toute la semaine, on est fatigué », renchérit un collègue. « Les jours de récupération permettent d’évacuer le stress. »
Cette souplesse n’existe plus sous la nouvelle convention, signée pour l’instant par la seule direction. Les conducteurs doivent maintenant avoir accumulé 50 heures de repos sur un compte mémoire, pour pouvoir les utiliser. « Les collègues qui travaillent sur des lignes qui ne fonctionnent pas le dimanche, n’y arriveront jamais », sont ils unanimes à dénoncer. Car tous les six mois, le compte est remis à zéro. Si le solde est payé, il ne pourra donc pas être récupéré sous forme de repos compensatoire.
Autre source d’inquiétude, les congés annuels. Avant, il y avait trois périodes pour partir : tout le mois de juillet, du 15 juillet au 15 août et tout le mois d’août. Ceux qui voulaient partir en dehors des vacances scolaires pouvaient demander une dérogation. « Maintenant on peut nous imposer des congés n’importe quand entre mai et septembre, sans nous demander notre avis », s’étrangle un gréviste. « Quelqu’un avec enfants peut être obligé de travailler tout l’été. »
« Je suis entré aux TCL à cause de ces petits avantages qu’on avait », confie un autre. Comme la possibilité d’échanger des horaires avec un collègue. Et le fait d’être affecté à une seule ligne. « Comme ça on la connaît par cœur », explique un gréviste. « Quand on prend de l’âge, on peut travailler sur une ligne plus tranquille », complète un autre, la cinquantaine. La nouvelle organisation leur paraît alors bien plus rigide.« Tout est fait pour qu’on soit à la merci de l’employeur », résume un conducteur leur sentiment. Depuis qu’ils ont lu dans un journal que leur direction compte réaliser 8 millions d’euros d’économie grâce à la nouvelle convention, ils n’en reviennent plus : « Keolis engrange des millions et il n’y a rien pour les salariés », s’étranglent-ils. « Nous sommes le meilleur réseau en province, mais en terme de salaires, nous ne sommes que 18ème », croit savoir un agent. Un conducteur en début de carrière gagne 1815,07 euros brut, soit, selon leurs calculs, environ 1350 euros net, hors primes, supplément de vacances et 13ème mois. En fin de carrière, avec un minimum de 36 ans d’ancienneté, leur salaire atteint péniblement les 2454,10 euros brut.
Et ils ne sont pas prêts à désarmer. Si beaucoup d’entre eux travaillent ce week-end pour rattraper une peu le manque à gagner de la semaine, ils se sont d’ores et déjà déclarés grévistes pour lundi.