Premier enseignement à tirer de ces résultats : ce n’est pas la triangulaire qui a permis au PS de conserver la présidence de la région, puisque, contrairement à 2004, la liste de Jean-Jack Queyranne a dépassé la barre des 50 %. Si elle progresse en pourcentage, elle régresse néanmoins en nombre de voix. Avec 994 372 votes exprimés en faveur de la liste du rassemblement de la gauche et des écologistes en Rhône-Alpes, le président sortant en perd 89 306. La faute au taux d’abstention qui, lui, a gagné 14,83 points depuis 2004. Françoise Grossetête recule de 223 464 voix par rapport au résultat obtenu par Anne-Marie Comparini il y a 6 ans. Contrairement à Queyranne, elle perd aussi en pourcentage, la candidate centriste ayant obtenu 38,20 %. Bruno Gollnisch fait un score quasiment identique avec toutefois 57 583 votes en moins.
Certains à droite avaient quelques difficultés à admettre la défaite, à l’instar de Françoise Grossetête qui s’est félicitée d’avoir progressé de près de 8 points, alors « qu’on disait qu’on n’avait plus de réserves de voix », et a mis en doute la légitimité de Jean-Jack Queyranne, réélu, selon elle, « en grande partie grâce au Front national ». La chef de file UMP estime même qu’elle aurait été « en capacité de gagner » si le FN avait été absent du second tour. Elle n’a pas dû bien regarder les résultats. Toujours est-il que la forte mobilisation des instances nationales, avec 4 ministres, 1 premier ministre et le chef de l’UMP, qui ont défilé en l’espace d’une semaine, a visiblement porté ses fruits, le parti présidentiel ayant été le seul à avoir progressé en nombre de voix.
Quant aux raisons de cette défaite, les ténors de la droite avait tous la même réponse : la crise économique et la politique d’ouverture chère à Nicolas Sarkozy. « C’était bien en début de la mandature mais il faut que ça cesse maintenant », martèle ainsi Philippe Meunier, qui dénonce la récente nomination du socialiste Didier Migaud à la présidence de la Cour des comptes. Le député souhaite « qu’on revienne à une politique de droite populaire. » Tous s’accordent à dire que le gouvernement doit « respecter le message des Français », comme l’explique le maire de Meyzieu Michel Forissier. Bien qu’il déplore que l’UMP « paie le prix de la crise alors que [le parti] n’y est pour rien. »
Au Front national, ce retour sur le devant de la scène marque un tournant, à entendre Bruno Gollnisch, car désormais « le vote FN n’est plus uniquement un vote de protestation mais aussi un vote d’adhésion. » Exprimé, selon lui, par « des gens qui souffrent, qui savent pourquoi ils souffrent, ce dont ils souffrent et quels sont les remèdes à apporter. » Pour lui, « le zapping entre UMP et PS ne sert à rien. »
Quant au Modem, les regrets dominent. « On avait des choses à dire » estime Eric Lafond, vice-président départemental du mouvement orange. Quant à Azouz Begag, il affirme : « le choix de la notoriété peut fonctionner mais il doit s’appuyer sur un programme. » Et de citer en exemple Jean Lasalle en Aquitaine, seul rescapé de la débâcle du parti bayrouiste. « Il y a un problème de management, le parti ne fonctionne pas très bien, les cadres régionaux ne s’y retrouvent plus », a-t-il commenté la situation en Rhône-Alpes. Ce proche de Corinne Lepage, démissionnaire du Modem, exclut néanmoins de suivre l’exemple de l’ancienne vice-présidente du parti orangiste.
A gauche, point de triomphalisme. C’est peut-être Daniel Cohn-Bendit qui a le mieux exprimé ce que tout le monde pensait : « c’est bien » mais « les difficultés commencent ». Car Europe Écologie entend bien défendre sa part du gâteau. Philippe Meirieu a opportunément rappelé que c’est en Rhône-Alpes que le rassemblement écolo a obtenu son meilleur score, en réunissant 17,83 % au premier tour. Pour lui, la région doit devenir une sorte de vitrine du savoir-faire vert. « Nous la ferons avancer sur des enjeux mondiaux comme le réchauffement climatique et locaux comme l’emploi, en développant des métiers non délocalisables, tournés vers les économies d’énergie », a expliqué le Vert Etienne Tête.
Philippe Cochet, maire de Caluire et président départemental de l’UMP s’est fait un malin plaisir de pointer quelques points de désaccords entre les écologistes et le PS, comme le soutien au nano-technologies et la candidature d’Annecy aux Jeux olympiques d’hiver. Deux dossiers qui pourraient passer au Conseil régional avec les voix de l’UMP contre celles d’Europe Ecologie.
Pour ne rien arranger, le Front de gauche n’est pas encore sûr d’accepter la vice-présidence que Jean-Jack Queyranne lui propose. « On ne nous aura pas à coup de vice-présidences », prévient l’ancienne tête de liste Elisa Martin. « Cela dépend des conditions politiques dans lesquelles elle va s’exercer. » Et de prévenir qu’elle compte « respecter les engagements pris pendant la campagne. »
Face à ses partenaires requinqués, Jean-Jack Queyranne ne veut « ni surenchère ni hégémonie. » Il promet « d’introduire plus d’écologie dans nos actions » et loue Philippe Meirieu qui a « de bonnes idées en matière de formation. » Et de conclure : « réussir ensemble, c’est important dans la perspective de 2012. » Car le PS et ses partenaires ont d’ores et déjà tourné la tête vers l’élection présidentielle, avec un nouveau vocable pour désigner leur union : après le programme commun de Mitterand et la gauche plurielle de Jospin, c’est désormais la gauche solidaire.