Le projet de Grand stade au point mort
« Une situation digne d’Ubu Roi », s’est écrié le président de l’OL Jean-Michel Aulas dans un communiqué, fustigeant le blocage du projet de Grand stade à Décines. Au cœur des querelles : la Déclaration d’intérêt général (DIG) qui poiroterait depuis le 23 juillet 2010 sur le bureau du premier ministre François Fillon. Cette DIG permettrait au Grand Lyon d’engager de l’argent public (180 millions d’euros, au bas mot) en faveur d’un projet privé (le Grand stade).
Le 21 avril, la ministre des sports Chantal Jouanno, après avoir estimé qu’« il est difficilement envisageable que l’Euro 2016 se tienne sans Lyon », a aussitôt ajouté que « le verrou, c’est la nécessaire modification du plan local d’urbanisme (PLU). Pour cela, il faut d’abord qu’une enquête publique soit lancée, tout le monde y a intérêt. » Gérard Collomb, lui, ne l’entend pas de cette oreille. Après deux avis négatifs en autant d’enquêtes publiques, le maire de Lyon craint en effet un troisième camouflet et refuse de lancer la procédure avant l’obtention de la DIG. Il espère du label gouvernemental une caution morale à même d’amadouer les commissaires-enquêteurs.
La révision du PLU de Décines, censée transformer les terres agricoles du Montout en terrain constructible, est ainsi au point mort. Après avoir prévu de lancer le 20 avril dernier les enquêtes publiques nécessaires à son adoption, ultime délai pour espérer pouvoir inaugurer le stade le 8 décembre 2013, Gérard Collomb a fait machine arrière. « Les adversaires du stade attendent que je puisse aller sur le PLU sans la DIG pour me faire reculer, et qu’en plus, j’y perde une certaine crédibilité », a déclaré le maire lors d’un tchat avec des lecteurs du Progrès, dénonçant « un piège grossier ». Mais comme le gouvernement attend la révision du PLU avant de délivrer la DIG, le chat se mord la queue.
Voilà que Gérard Collomb a eu une autre idée, profitant de l’examen au Sénat, ce mercredi, de la loi Depierre. Cette loi porte sur la rénovation des stades publics pour l’Euro 2016. Projet privé, l’OL Land n’est donc pas concerné. Le sénateur-maire a alors préparé des amendements visant à rendre automatiquement d’intérêt général tous les 12 stades retenus pour l’Euro, privés comme publics. Si ses amendements étaient adoptés, le maire de Lyon pourrait alors se passer du paraphe du Premier ministre. Une manœuvre un peu grossière, qui n’a pas trompé ses collègues sénateurs. Même les socialistes se sont abstenus lors du vote en commission, où les amendements ont été retoqués. Ce qui n’empêchera pas le maire de Lyon de les représenter en séance plénière avec, sans doute, le même résultat.
« Nous assistons en somme à une représentation de ce jeu auquel enfants nous avons tous joué “je te tiens, tu me tiens par la barbichette, le premier de nous deux qui bougera aura une tapette” », désespère Jean-Michel Aulas dans son communiqué. « Je ne peux donc qu’en appeler à la raison pour que l’on puisse sortir au plus vite et dès cette semaine, lors des débats au Sénat [...] de cet imbroglio politique, qui porte préjudice à Lyon, à l’Olympique Lyonnais et à l’Euro 2016. »
Un avis que ne partage pas le collectif des Gones pour Gerland, opposé à l’installation de l’OL Land au Montout à Décines. Sous le titre « Mais qui est Ubu Roi en fait ? », il ironise : « Jean-Michel (Aulas, ndlr) voit juste et tous les Gones de Lyon trouvent effectivement “ubuesque” la situation présente. L’adjectif signifiant “absurde, grotesque et démesuré” correspond tout à fait. Que ce soit au niveau des accès, de l’emprise au sol, du prix fixé lors du compromis, des autres priorités de l’agglomération, de la destruction des espaces naturels sensibles, de la ponction fiscale qui pourrait s’ensuivre, des prétendues créations d’emplois… »
Publié le : mardi 26 avril 2011, par