Cour d’assises

Isabelle Demongeot : « Cet homme m’a brisée »

Pendant une heure et demie, Isabelle Demongeot a témoigné devant la cour d’assises du Rhône des « neuf ans de souffrance » qu’elle aurait vécus. Un témoignage minutieux qui marque un tournant dans le procès de Régis de Camaret. L’ancien entraîneur de tennis est poursuivi pour de nombreux viols sur des joueuses qui n’avait alors qu’entre 11 et 14 ans.

Veste et jean noirs, droite à la barre, l’ancienne championne de France (vignette) raconte le calvaire que son entraineur lui aurait infligé.

Selon la déposition de la joueuse, les premiers attouchements remontent à août 1980. Elle n’a alors que 13 ans, lui 38. Lors d’un championnat de France, elle aurait dû partager la chambre de son entraineur, « par souci d’économie ». La nuit, alors qu’elle dort, il se serait glissé dans ses draps, lui imposant caresses et cunnilingus. « Il me dit que je ne dois pas avoir peur, qu’il est aussi là pour me donner du plaisir, m’apprendre la sexualité. »

Son récit, minutieux, est ponctué de nombreux blancs, de longs moments ou les sanglots l’empêchent de poursuivre.

Un premier viol à 13 ans

Un mois plus tard, aurait eu lieu le premier viol avec pénétration. Toujours selon le même scénario. Elle dit se rappeler de « son va et vient, ses gémissements, ses yeux fous ». Des douleurs ressenties. Comment il éjacule sur son ventre. « Je me sens sale, honteuse ».

Puis, les faits se seraient enchaînés, dans des lieux de plus en plus « sordides ». A école de tennis des Marres à Saint-Tropez, où elle s’entrainait, de Camaret aurait abusé d’elle dans le « cagibi où on rangeait les balles ». Un endroit « poussiéreux avec des araignées partout », se souvient-elle. Encore et encore. A la fin des cours collectifs, « il faisait en sorte que les autres joueuses partent avant. Je savais alors que ça allait recommencer ». Elle dit y avoir également subi de actes de sodomie. « C’était plus pratique pour lui. Comme ça il n’y avait pas de souci. »

Lors de déplacements, l’entraîneur aurait insisté pour conduire la jeune Isabelle. Il se serait alors arrêté à chaque fois sur la même aire d’autoroute. « Il reculait le siège et se couchait sur moi. Quand des personnes passaient, il disait : ’chut, ne crie pas ! Ne dis rien !’ ».

Elle dépeint un homme machiavélique et manipulateur. « Il contrôlait tout. Il m’a empêchée de m’épanouir, m’interdisait de voir des garçons, d’aller au cinéma, à une boum. »

En 1989, la joueuse dit avoir enfin trouvé la force de changer d’entraineur. Petit à petit, elle commence à en parler à son entourage. Mène sa propre enquête pour savoir si d’autres filles ont été victimes de l’entraineur. « Cet homme m’a brisé », s’écrie-t-elle à la barre.

En 2005, celle qui dit ne plus pouvoir « avoir des relations sexuelles avec un homme », porte plainte. Trop tard, les faits sont prescrits. Elle écrit alors un livre Service volé. L’ouvrage fera l’effet d’une bombe dans le monde feutré du tennis. Les langues se délient et d’autres témoignages affluent.

L’accusé nie tout

Face à ses accusations, Régis de Camaret est resté de marbre, regardant son ancienne joueuse d’un air distant, impassible. L’entraineur nie tout en bloc, reconnaissant tout juste une relation amoureuse consentie entre 1985 et 1989, au moment où Isabelle Demongeot était déjà majeure. « Regardez cette souffrance, elle n’est pas feinte », lui lance la procureure. « Pourquoi pensez-vous qu’elle souffre autant encore aujourd’hui ? » « Je ne sais pas », se borne de répondre l’accusé.

Si la plupart des faits reprochés à Régis de Camaret sont aujourd’hui prescrits, il doit néanmoins répondre de l’accusation de « viols sur mineures » sur deux autres joueuses, Stéphanie Carrouget et Catherine Pomarès. Interrogée sur ce qu’elle a à dire à l’accusée, Isabelle Demongeot répond : « j’espère qu’il paiera fortement. » Régis de Camaret encourt 20 ans de prison.

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Publié le : vendredi 16 novembre 2012, par Michael Augustin