Culture alternative

La friche RVI fait la fête pour se faire connaître

A 3 semaines de la date couperet, les artistes de la friche RVI tentent de mobiliser l’opinion public afin de, pourquoi pas, conserver leur lieu de création. Une conférence de presse et un festival sont les premières actions visibles d’une opération-séduction destinée à faire connaître les frichards et leur travail au grand public. D’autres manifestations devront suivre. Reste à savoir si elles ne viennent pas trop tard.

« Depuis quelques semaines on travaille à se rendre visible », explique Maud Fantini, mécano-métalleuse du collectif La vaca loca qui fabrique des décors. « Peu de gens savent ce qu’on fait. » Quelques initiatives ont bel et bien existé, comme quelques visites lors des Journées du patrimoine, un atelier de fabrication de vélos animé par l’association Vélorution ou encore, dans le temps, un jardin potager cultivé par quelques riverains. Pour le reste, « la friche est un lieu de production tourné vers l’intérieur », souligne Pierre Gonzalès, poète-plasticien. « Au début, on n’avait pas la maturité de construire quelque chose avec le territoire. »

Pour que cela change, les portes de la friche seront grandes ouvertes du 15 au 18 juillet pour un festival pluridisciplinaire, avec des expos, de la danse, des arts de rue, des ateliers et beaucoup de musique. Le titre du festival Sortie d’usine est un « clin d’œil », explique le comédien et metteur en scène Jean-Pierre Olinger. « Est-ce qu’on va devoir sortir ? »

Mais avant, les frichards ont décidé de s’ouvrir à la presse. Une démarche qui n’allait pas de soi, tellement la méfiance vis à vis des médias est profondément ancrée chez certains occupants. Ainsi, il n’est pas rare pour un journaliste de se faire suspecter d’activités barbouzardes parce qu’il a sorti son appareil photo. « Nous sommes dans un apprentissage mutuel avec les journalistes », tente d’expliquer Omar Toujid, comédien et l’un des porte-paroles. « Ce que nous avons lu dans la presse était étrangement différé par rapport à la réalité que nous vivons ici. » N’empêche, une fois la décision de la conférence de presse prise, les frichards ont fait preuve d’une étonnante maîtrise des codes de l’exercice.

Accueil des journalistes au portail, parcours fléché jusqu’à la salle de réunion, dossier de presse relié, hôtesses d’accueil en uniforme, rien a priori ne différenciait cet évènement d’une conférence de presse classique d’une collectivité ou d’une entreprise. Même quelques boissons et snacks attendaient les représentants de la presse locale. Sauf qu’ici point de traiteur avec son personnel en costume sombre. Tout était fait maison, du jus de gingembre-citron au pain complet, des boulettes de légumes au sauces-crudités, contre-culture oblige.

Une fois les débats lancés, on retrouve néanmoins vite l’ambiance anarchique qui prévaut dans ces lieux. Les prises de paroles fusent tantôt du podium tantôt de la salle, qui évoquant des contraintes factuelles, qui laissant transparaître une douloureuse nostalgie des lieux. « Ne soyez pas surpris si un chien rentre dans la salle. Ça fait partie de la culture des lieux », prévient Omar.

Puis les frichards égrènent leurs griefs. Le quai de chargement du lieu de repli proposé par la mairie est trop petit pour y amener les grands décors stockés à la friche. « On peut y aller avec un 10 mètre-cube mais pas avec une semi-remorque », explique Pierre Gonzalès. Et d’insister : « tout ce qu’on a rassemblé ici, on en a besoin. » L’absence d’espaces extérieurs aussi, nécessaires à certaines disciplines. Tous s’accordent pour dire que le calendrier fixé par la municipalité n’est pas réaliste. « Je ne peux pas partir au 31 juillet (la date fixé par la mairie, ndlr) », s’indigne Bruno Robert, alias le clown Buno. « J’ai mon matos ici, j’ai des dates en août. »

De la nostalgie aussi. « On ne défend pas un territoire, on défend une certaine idée de la culture », clame Maud, la mécano. « Il y a un aspect social évident. Un processus d’apprentissage de la vie en communauté. » Et de conclure : « on n’aura jamais les moyens de louer un bâtiment. On a tout juste de quoi assumer notre quotidien. »

Infos : Festival Sortie d’usine, du 15 au 18 juillet, 14h à 23h (concerts à partir de 18h. Entrée prix libre. 84 av Lacassagne, Lyon 3ème.

Publié le : samedi 10 juillet 2010, par Michael Augustin