Reconversion de l’ancien hôpital

Eiffage s’installe à l’Hôtel-Dieu

Le gagnant est donc Eiffage. Le groupe français de BTP, associé à l’hôtelier Intercontinental a remporté le chantier de reconversion de ce site historique lyonnais, construit en majeure partie au XVIIIe siècle, selon les plans de l’architecte Jacques-Germain Soufflot. D’ici à 2016, la bâtisse, dont les origines remontent au VIIe siècle, abritera un hôtel 5 étoiles, un centre de congrès et de nombreuses boutiques. En revanche, l’avenir du musée des Hospices Civils de Lyon et l’implantation sur le site d’un Pôle régional de la santé restent incertains.

« Félicitations à ceux qui ont prédit l’équipe gagnante et dommage pour les autres. » Gérard Collomb a pris un malin plaisir à contredire la majorité de la presse lyonnaise qui avait parié sur l’équipe concurrente Nexity/Hyatt. Un duo qui a longtemps eu, semblait-il, les faveurs du maire de par la flamboyance de son architecture, signée par le Marseillais Rudy Ricciotti. Finalement c’est le projet plus sobre mais plus respectueux du patrimoine porté par Eiffage qui a été retenu. « Lyonnais, ils se sont beaucoup plus inspirés de l’âme, de l’histoire et de la culture des lieux », a justifié Gérard Collomb. « Ils vont redonner du lustre à l’Hôtel-Dieu. » Et pas que. « C’est tout le coeur de Lyon qui sera porté à un niveau exceptionnel », s’est enthousiasmé le maire, qui a rappelé qu’il comptait aussi refaire la place des Jacobins et les rives de Saône.

Le projet lauréat prévoit donc l’installation d’un hôtel de luxe de 140 chambres, de nombreuses boutiques en rez-de-chaussée, comme prévu jadis sur les plans de Soufflot, de bureaux, ainsi que d’un centre de conventions avec un auditorium de 300 à 500 places. Les cours intérieures, qui servent aujourd’hui de parkings, seront fleuries, entre autres avec des plantes médicinales. Des constructions neuves sont prévues le long de la rue Bellecordière (celle sur laquelle donne la sortie arrière du Pathé). Elles accueilleront des bureaux, ainsi qu’au rez-de-chaussée des boutiques et restaurants. Cette rue tient son nom de la poète Louise Labé, a rappelé Albert Constantin, l’architecte du projet. « Nous allons lui redonner ses lettres de noblesse. » Parmi ces constructions, la reconstitution de l’ancienne loge des fous, dont la façade grillagée rappellera le treillage de l’ancienne bâtisse du XVIIIe siècle.

Côté Rhône, Eiffage prévoit de rouvrir le vestibule sous le dôme principal de l’édifice et de créer ainsi une déambulation du futur parvis, élargi à 15m, jusqu’à la cour Saint-Henry à l’intérieur de l’ensemble. Dans ledit dôme se logera le lobby de l’hôtel, qui sera ouvert à tous les Lyonnais « du matin à tard dans la nuit », promet Albert Constantin. Histoire de réconcilier les habitants de la ville avec ce projet, alors qu’ils y sont majoritairement hostiles, selon un sondage Lyon Capitale. Pour faire encore plus local, le lobby sera d’ailleurs paré d’une sculpture en fibre optique tissée, censée symboliser le mouvement de l’air, et utilisant un procédé de tissage inventé par le soyeux lyonnais Cédric Brochier. Les suites de l’hôtel, aménagées en duplex, retrouveront les 7m de hauteur sous plafond des anciennes salles d’hospitalisation.

Quel avenir pour la santé à l’Hôtel-Dieu ?

« Je suis très content », commentait le Professeur René Mornex, qui défend l’installation d’un grand musée dédié à la médecine. « On a pu discuter avec l’équipe d’Eiffage, alors qu’on n’a jamais réussi à avoir un contact avec Nexity. » L’avenir du musée de la santé n’est pas assuré pour autant. Son fonctionnement actuel sur 700 m² avec 11 permanents coûté 400 000 euros, a rappelé Michel Gostoli, le président d’Eiffage Construction. Un coût pour l’instant pris en charge par les Hospices civiles, qui se sont fait taper sur les doigts pour cela par la Chambre régionale des comptes. C’est donc au Professeur Mornex de trouver les sous nécessaires pour conserver, voire agrandir son musée. Les plans d’Eiffage prévoient une surface pouvant aller jusqu’à 4000 m². Car Gérard Collomb a réitéré son refus de mettre le moindre centime dans le projet. « La ville n’a pas vocation à investir dans un domaine qui n’est pas le sien », a-t-il martelé. « Il a dépensé beaucoup d’argent pour son stade, il ne lui en reste plus pour la santé », a rétorqué malicieusement le Professeur Mornex.

Pas de subventions non plus pour le projet de Pôle régional de la santé qui devra regrouper une vingtaine d’associations travaillant dans la prévention. Du côté d’Eiffage on compte jouer un rôle de « facilitateur » au côté des porteurs de projet et, pourquoi pas, consentir des loyers avantageux.

Le refus de Gérard Collomb fut du pain béni pour le maire divers-droite du 2ème arrondissement Denis Broliquier, qui n’a pas tardé à s’engouffrer dans la brèche en clamant que « la ville devrait accompagner ces projets, y compris financièrement ». Il compte d’ailleurs rester vigilant sur la rédaction du bail pour ne pas signer de blanc-seing aux promoteurs. Sinon, il trouve le projet « séduisant ». Michel Havard est plus critique : « jamais un maire de Lyon n’avait osé aller aussi loin dans l’abandon du patrimoine de notre ville. Même pas ne serait‐ce qu’une maison médicale de garde à la sortie », écrit-il dans un communiqué. Le bail devrait être signé au deuxième semestre 2012 et courir pendant 94 ans. Le chantier coûtera 150 millions d’euros à Eiffage.

Quelques chiffres :

- Surface totale : 62 000 m²
- Constructions neuves : 10 000 m²
- Hôtel : 21 000 m²
- Commerces : 13 000 m² (surfaces de 80 à 450 m²)
- Ouverture partielle : fin 2014
- Inauguration : 2016

Publié le : dimanche 31 octobre 2010, par Michael Augustin