Un après-midi festif prévu ce samedi

Fort de Vancia : les frichards prennent leurs quartiers

Ils croyaient devoir partir, finalement ils ont pu rester... encore un peu. Une cinquantaine d’anciens locataires de la friche RVI (Lyon 3ème) occupent depuis une semaine le Fort de Vancia, une bâtisse construite entre 1872 et 1878. Ce vendredi, policiers municipaux, gendarmes et un huissier sont venus... et repartis.

Il y a un air de camp scout qui flotte actuellement sur cet ancien terrain militaire de 170 000 m². Des duvets à même le sol dans une pièce, une cuisine improvisée dans une autre, des tentes Décathlon, un barbecue dans une des cours, un autre à l’entrée du fort sous le nez de la police municipale, l’ambiance est bucolique dans ce Fort de Vancia, baigné par le soleil hivernal. Depuis vendredi dernier, une cinquantaine de frichards de l’usine RVI se sont installés au sein de cette ancienne fortification, qui se trouve à quelques encablures du lieu-dit de Vancia, entourée de remparts au milieu d’un petit bois.

Ils sont là depuis vendredi 4 février. Or, au delà de 48 heures d’occupation, il faut une décision de justice pour les déloger. Les frichards le savent et n’ont pas l’intention de bouger. Pour formaliser leur installation, ils ont même déjà pris contact avec la mairie de Rillieux-la-Pape, co-propriétaire du site avec celle de Sathonay-Village. Mais le courant n’est pas passé. « L’administration a malheureusement refusé l’occupation », écrivent-ils dans un communiqué.

Il faut plus pour les décourager. « Dès qu’on aura définitivement pris possession du site, on va faire des travaux », se projette déjà Exedezel, un poète-auteur-interprète. Le site en a bien besoin, vu son état de délabrement. Il n’en reste guère plus que les murs, solides certes, mais nus. Plus de fenêtres, de portes, de garde-corps. « Le site est dangereux », s’étrangle Michel Moiroud, le président du Syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) qui gère le site. « Il y a des cheminées, quand vous glissez dedans, c’est fini. » S’il n’y a pas encore eu d’accident grave à déplorer au Fort de Vancia, ceci n’est pas le cas pour d’autres sites semblables de l’agglomération où quelques chutes mortelles ont été comptabilisées.

« Vous êtes en situation d’occupation illégale »

C’est donc pour des raisons de sécurité que le SIVU veut se débarrasser de ces encombrants occupants. D’abord à l’amiable. Il est 14h15 quand, Michel Moiroud, épaulé par quelques policiers municipaux et une dizaine de gendarmes s’adresse aux frichards rassemblés devant le portail : « Vous êtes en situation d’occupation illégale. Je vous demande de quitter les lieux. » Or, les frichards n’ont pas la même notion d’illégalité. « Ce qui appartient à l’État appartient au peuple », crie l’un d’eux. Pour eux, ce sont les forces de l’ordre qui sont hors la loi. « C’est une violation de domicile », s’écrie Cathy, costumière et l’une des porte-parole du mouvement. Car le matin même, la police avait escaladé le premier rempart à l’aide d’une nacelle et ouvert les portes, solidement barricadées de l’intérieur à l’aide d’étais. Par la suite, un huissier a constaté l’occupation du site. « Ils n’ont pas le droit », s’insurge la jeune femme.

Sans moyen de pression de la part du SIVU, les frichards ne cèdent pas. « S’ils veulent nous expulser, on jouera au chat et à la souris avec eux », s’amuse Exedezel, pointant l’étendue du site. Les forces de l’ordre n’ont de toute façon pas d’ordre d’expulsion. Les frichards doivent néanmoins sortir leurs véhicules de l’enceinte, puis la police fait poser des plots en béton pour empêcher la fermeture des portes et le passage de voitures. « Et s’il y a un incendie à l’intérieur ? », s’inquiète Exedezel. « Les pompiers nous ont dit de faire comme ça », répond le président du syndicat. Puis, les gendarmes relèvent les noms des occupants, sans pour autant contrôler les pièces d’identité. Un frichard aux dreadlocks roux tente de nouer une discussion pour rallier les militaires à leur cause, leur parle des soldats du roi qui n’ont fait que leur devoir tout en tirant sur le peuple. « Je pense plutôt aux soldats suisses qui sont morts gratuitement pour protéger notre roi », rétorque la gendarme. Chacun sa lecture de l’histoire. Les dreadlocks insistent : « Écoutez votre cœur, mettez-vous dans le camp de la population qui veut vivre sans payer. Travailler, c’est surproduire, surpolluer et créer de la misère dans le monde. » Un camerade le tire par le bras : « Tu saoules. »

En attendant, les créatifs bossent. Une plaquette de 4 pages A4 est prête, un site Internet aussi (http://lafrichevancia.blogspot.com), expliquant leur projet. « Nous allons ouvrir le site à la population locale, proposer des ateliers de peinture, bois, sculpture, musique », explique Kamel, joueur de guimbarde et organisateur de concerts. Selon leur planning, les travaux de rénovation du site doivent démarrer en mars. Dès l’été, les premiers évènements en plein air doivent être accueillis sur le site qui ouvrirait définitivement ses portes pour la saison 2012-2013. Et dès ce samedi 12 février, une rencontre avec les riverains est prévue devant les portes du fort. Au programme : spectacles, cirque, projections vidéo. Et la présentation du projet.

Le SIVU, lui, ne l’entend pas de la même oreille. « Nous n’autorisons pas la manifestation », insiste Michel Moiroud. Il souhaite récupérer le site au plus vite. « Le fort est occupé 200 jours par an par des gendarmes, policiers et pompiers pour des exercices ». Ainsi, une requête a été déposée ce vendredi matin en référé au tribunal. Les jours de la friche autogérée de Vancia semblent bel et bien comptés.

Toutes les photos sont sur www.facebook.com/lyoninfo

Publié le : samedi 12 février 2011, par Michael Augustin