Habituellement, la gay pride est une sorte de kermesse bariolée qui se déroule dans la bonne humeur, aux sons techno et sous un soleil de plomb. Pour faire manif, un mot d’ordre est choisi tous les ans, que les organisateurs sont à peu près seuls à connaitre, les autres sont là pour faire la fête.
Il y est généralement question d’égalité des droits pour les homos, une revendication somme toute suffisamment fédératrice pour ne déranger que quelques esprits... dérangés. Mais pas cette année. En revendiquant l’auto-détermination de son corps pour tout le monde, putes et mères porteuses y comprises, la Gay pride a provoqué une levée de boucliers générale.
Les premières à tirer - et à l’artillerie lourde - étaient les féministes. Toujours promptes à clamer qu’une femme fait ce qu’elle veut de son corps quand il s’agit d’avortement, elles réfutent ce droit aussi sec dès qu’il est question de prostitution ou de gestation pour autrui (GPA). Pour l’association Osez le féminisme, il s’agit là ni plus ni moins que « de deux des pires produits des systèmes patriarcal et capitaliste ». En clair, avorter un fœtus c’est bien, le porter pour le compte d’un couple d’homos (ou de personnes stériles) qui, biologiquement parlant, n’y arrivent pas tout seuls, c’est mal.
Un discours qui reste toutefois classique chez cette association qui persiste à nier qu’une femme (ou un homme) puisse choisir de son plein gré d’exercer le métier de travailleur du sexe. Pour mieux se faire entendre, Osez le féminisme a donc pris soin d’agglomérer pas moins de 37 structures autour d’un appel d’une rare virulence. Si la plupart sont inconnues du grand public, on y trouve aussi Attac, l’Unef et le Parti de gauche.
Le lendemain, c’était au Parti communiste de renchérir. « Il nous semble dangereux de faire l’amalgame entre les luttes contre les homophobies et la GPA et la prostitution, qui entrent dans le système marchand capitaliste », écrit la secrétaire fédérale du PCF du Rhône Danielle Lebail dans un communiqué aux accents cependant plus mesurés. Avant de conclure : « Nous ne voulons pas nous désolidariser de la Marche des fiertés, dans un moment où il est important de lutter contre l’homophobie de plus en plus fréquente (une agression physique tous les deux jours selon SOS Homophobie). Nous appelons donc à marcher pour ’les droits des homosexuels, des bisexuels et des transsexuels. »
Puis, à peine quelques heures plus tard, dans une étrange concordance d’esprit (et de mots), l’association En marche pour l’enfance, enfonce le clou. « Prenant en otage la lutte contre l’homophobie, un microcosme ultra-radical veut utiliser cette manifestation pour promouvoir les mères-porteuses », s’indigne ce pilier lyonnais de la Manif pour tous. Si l’association appelle à s’unir « pour nous opposer aux discriminations liées à l’orientation sexuelle », elle estime que « la promotion des mères porteuses relève d’une toute autre logique : celle du trafic de filiation et celle de l’instrumentalisation du corps de la femme. » Avant de conclure sans rire : « L’association En marche pour l’enfance félicite donc toutes les associations lyonnaises qui se désolidarisent de cette marche, notamment Osez le féminisme ».
La Gay pride 2014 aura ainsi réussi l’invraisemblable exploit de mettre d’accord des mouvements qu’habituellement tout sépare.