« C’est un échec ! » s’écria en décembre 2010 Charles Delfante. Dans une interview sur France Culture, il régla ses comptes avec ce projet dont il avait la charge : la transformation du quartier de la Part-Dieu en Centre directionnelle à l’italienne.
« Le plan d’urbanisme initial de 1967 demeure un bon plan », y dit-il pour sa défense. Il y avait prévu « un centre commercial convivial et non pas la machine à consommer qu’on a aujourd’hui », une gare dimensionnée pour une agglomération qu’il estimait à 2,5 millions de personnes, une Maison de la culture, ainsi que des places publiques et « un maximum d’espaces verts pour avoir un cadre agréable. Tout cela n’a jamais pu exister. »
Né à Lyon le 1er septembre 1926, Charles Delfante fréquenta le lycée Ampère et l’école des Beaux-arts, avant de s’exiler à Paris, où il étudia l’archéologie et sortit premier de l’Institut d’urbanisme. Sitôt ses études terminées, il devint chargé de mission au ministère de la Reconstruction.
Après des passages à Colmar, Bagnols-sur-Cèze et Firminy, où il a notamment collaboré avec Le Corbusier, le ministère le renvoie dans sa ville natale où il prît la tête de l’Atelier municipal d’urbanisme de la ville de Lyon, récemment créé, l’ancêtre de l’actuelle Agence d’urbanisme du Grand Lyon.
Il doit y mettre en musique la reconversion d’une friche de 50 hectares au centre de la rive gauche du Rhône et construire un nouveau quartier sur les vestiges d’une ancienne caserne et d’une gare de triage : la Part-Dieu. Il devient alors l’un des premiers urbanistes à mettre sur pied une équipe pluridisciplinaire, intégrant outre des architectes, d’autres corps de métier comme des sociologues, hydrologues et géologues.
« Nous souhaitons que la Part-Dieu soit animée, attrayante et gaie. Pour qu’elle soit une joie de vie », expliqua-t-il dans une interview en mai 1964.
Mais rien ne se fera comme prévu. Entre lenteur administrative et appétit des promoteurs, le nouveau quartier pousse de façon anarchique. Charles Delfante lui consacrera en 2009 un livre au titre évocateur : La Part-Dieu : le succès d’un échec. Et de conclure : « Je déplore de ne pas voir des gens sourire à la Part-Dieu. »
Mais Charles Delfante fut également un architecte de renom auquel la ville de Lyon doit des constructions diversement réussies comme l’Auditorium, la passerelle du Palais de justice, la bibliothèque municipale, la tour EDF ou encore le parking en escargot de la rue Garibaldi.
Du haut de son appartement de la place de la République, il resta un observateur critique de l’évolution de sa ville. « Je n’ai pas l’impression, quand on fait un quartier comme la Confluence, qu’on pense au quotidien, à la mère de famille, aux gosses », persiffla-t-il ainsi au micro de France Culture.
Ce sont sans doute ces propos-là qui lui ont valu l’hommage rendu par le chef d’opposition Michel Havard « à la qualité objective et la lucidité de ses analyses y compris sur les projets les plus récents de notre agglomération. »
Gérard Collomb, lui, a préféré se souvenir d’« une grande figure de l’urbanisme, qui a marqué Lyon de son empreinte ». Et de poursuivre : « Grand amoureux de Lyon, (...) il avait une conception juste et ambitieuse du rôle que devait avoir notre métropole dans la modernité. »
Charles Delfante s’est éteint à l’âge de 85 ans.
Pour en savoir plus :
– Deux documentaires télé édifiants : 1ère partie et 2ème partie (ina.fr)
– Une interview radio (France culture)
– Une interview écrite (Lyon chez moi)
– L’histoire de la Part Dieu : 1ère partie et 2ème partie (Lyon chez moi)