« Je suis de la campagne, à l’origine. Mes grands-parents maternels étaient agriculteurs », raconte Dominique Marchais, le réalisateur. Né dans l’Eure-et-Loire, il a connu le temps « où il y avait des fermes dans les villages et des vaches dans les fermes. » Petit à petit, ce monde a changé. Poussées par une Politique agricole commune (PAC) mal orientée, les petites fermes ont disparu, englouties par des exploitations de plus en plus vastes, passées de quelques dizaines à quelques centaines de hectares. Avec elles, la diversité écologique a foutu le camp. Des bocages, un temps sauvegardées par le Contrat territorial d’exploitation (CET), ont disparu avec l’abolition de celui-ci, pour laisser leur place à des champs de céréales à perte de vue. Et avec eux les oiseaux et les belettes sont partis. Eux qui chassaient jadis les rongeurs. En même temps, les villes s’étendent et grignotent les terres agricoles les plus fertiles.
En donnant la parole aux anciens, Dominique Marchais réussit à remonter le temps, jusqu’aux origines des bouleversement qui ont marqué l’agriculture moderne. A l’après-guerre, sous l’impulsion du plan Marshall, les exploitations ont commencé à se mécaniser. La pénurie du temps de la guerre provoque la volonté de nourrir le monde. A coup de pesticides et d’engrais chimique. Jusqu’à l’excès. Jadis, les vignes vivaient une centaine d’années. Aujourd’hui, elles meurent au bout de 20 à 25 ans. Constat catastrophique lorsque l’on sait qu’une vigne produit le meilleur raisin au bout d’une vingtaine d’années… « La vocation de la France n’est pas de faire du dumping à des paysans pauvres. Les pays du tiers monde doivent se nourrir par eux-mêmes, notre vocation n’est pas de les nourrir. », dit dans le film Marc Dufumier, enseignant-chercheur à l’AgroParisTech. Au lieu de produire une nourriture en quantité et à rabais, la France ferait mieux de miser sur une agriculture de qualité. « Si on voulait juste manger pas cher, on n’aurait pas du tout besoin des agriculteurs français », clame Dominique Marchais. « On pourrait tout importer du Brésil. »
Quelle solution alors dans un pays où on apprend aux jeunes exploitants à bien doser des engrais chimiques sans chercher à comprendre qu’il existe des solutions naturelles... et gratuites, car les microbes qui aèrent et nourrissent la terre ne coûtent rien. Rendre la terre fertile à nouveau, retrouver un équilibre écologique doit passer par une volonté politique assez forte pour s’opposer aux lobbies agrochimiques. Comme le résume Lydia Bourguignon, une microbiologiste : « Le microbe travaille gratuit. Le vivant n’est pas brevetable. Le durable n’est pas rentable. La nature a une gratuité qui est gênante aujourd’hui. »
Le film ne fait pas le procès de la modernité. On en sort sans sentiment de culpabilité, juste avec l’envie de faire un tour au rayon bio, lors du prochain passage au supermarché. Seule reproche qu’on peut faire à Dominique Marchais, dont c’est le premier long métrage, c’est d’avoir calque le rythme du film sur celui de la vie à la campagne, un peu traînant et long. Si bien qu’on se surprend, dès l’heure du film, à regarder de temps en temps sa montre.