La mise en scène se veut simple. « Il suffit de peu de mots pour être interpellé », explique Albert Lévy, l’actuel substitut du procureur de la république au tribunal de Lyon.
Arrêté le 21 juin 1943 à Caluire-et-Cuire dans la maison du docteur Dugoujon, il meurt sous la torture nazie à Paris. Sophie Scholl et six amis ont, quant à eux, distribué des tracts pour dénoncer le régime hitlérien. Ils seront exécutés en février 1943. « Ce sont deux vies fauchées dans leur jeunesse », souligne Albert Levy. « Ils étaient exemplaires donc rares. »
« Cette exposition nous montre que la résistance est quelque chose d’exceptionnel », poursuit Albert Levy. « Nous banalisons sans cesse l’asservissement dans le monde, mais nous sommes dans le provisoire. La démocratie se gagne à force de conviction et de vigilance. »
Le spectateur découvrira une quarantaine de dessins, caricatures et aquarelles de Jean Moulin, soulignant l’insolence de celui qui signait ses œuvres Romanin. On y voit la République représentée par une femme attachée les mains dans le dos, avec un soldat et un juge allumant le bucher à ses pieds. « De quoi te plains-tu, ne sommes nous pas à tes genoux ? », raillent-ils.
Dans le dessin L’élève Hitler ou l’école de la trique, un Führer presque enfantin fait face à un Mussolini en professeur, tous deux une massue à la main. A côté de ces illustrations, un tract du réseau de Sophie Scholl La rose blanche interroge le peuple allemand après la défaite de Stalingrad en février 1943 : « allons-nous sacrifier les dernière forces vives du pays aux plus bas instincts d’hégémonie d’une clique d’hommes de parti ? ».
« La résistance est un impératif moral », insiste Jacqueline Costa-Lascoux, sociologue et directrice de recherche du CNRS, pour qui la parenthèse n’est pas fermée. « Dans 30 ans, comment allons-nous être jugés sur ce que nous avons accepté aujourd’hui ? »
Banalisation du FN par une « droite dure », affaiblissement de la capacité d’indignation mise en cause par « le modèle américain des bons et des méchants », Printemps érable au Canada contre la « loi matraque » restreignant le droit de manifester… « Il faut se rebeller » , s’écrie Albert Lévy. « Pourtant, je suis juge d’instruction, je devrais avoir honte de dire cela. »
Pour lui comme pour Jacqueline Costa–Lascoux, la première exigence demeure la préservation des valeurs de la résistance. « Quelques jours avant l’élection présidentielle de mai 2012, d’anciens résistants signaient un article dans le Monde pour dire ce qu’avait été l’esprit de résistance. Pour eux, ces dernières années avaient été marquées par une succession de discours et de réformes qui opéraient une rupture avec le programme du Conseil national de la Résistance. Il leur semblait urgent de réveiller les consciences. »
Info : La Maison des passages, 44 Rue Saint Georges, Lyon 5ème. Du 22 mai au 22 juin.