Les ghettos de la République

Livre : André Gerin perçoit « les germes d’une guerre civile »

Mi-autobiographie, mi-manifeste politique, la deuxième édition du livre Les ghettos de la République vient de sortir. Complété d’un encore et toujours, l’ouvrage écrit par le député communiste André Gerin veut briser « le silence assourdissant sur les banlieues et les classes populaires ».

Préfacé par Malek Boutih, l’ouvrage détaille d’abord le parcours d’André Gerin. Troisième d’une fratrie de six enfants, fils d’un ouvrier-paysan, l’élu était un élève bagarreur qui n’aimait pas l’école et avait failli plusieurs fois se faire renvoyer.

Entré à 17 ans chez Berliet, il découvre le syndicalisme et adhère au PCF. En décembre 1968, l’enfant du Dauphiné s’installe aux Minguettes, quartier qu’il habite toujours. Les Minguettes, à l’époque, c’était le grand luxe : « salle de bain, chauffage central, ascenseur, vide-ordures et une étonnante luminosité », écrit-il, « c’était pour des gens arrivant de la campagne ou de taudis innommables une véritable promotion. »

L’arrivée des immigrés

« En même temps, de nouveaux problèmes apparaissent », nuance André Gerin, « les conflits de voisinage, les heurts a propos des modes de vie, des cultures ou des traditions, notamment avec les familles maghrébines ». Des familles nombreuses, par dessus le marché, tandis que les Français de souche « maitrisent toujours mieux leurs naissances. »

Des familles « déracinées, désormais installées dans des paysages inconnus et rébarbatifs ». Des personnes qui « habitaient l’espace d’une façon particulière (...), désormais confinées dans un appartement. » Cette vision du Maghrébin incapable de s’intégrer, devient un fil rouge qui traverse le livre.

Car les choses commencent à se gâter. La délinquance apparaît : vitres brisées, voitures incendiés. Dès la fin des années 70, « des catégories sociales entières quittent les Minguettes : techniciens, cadres, employés, couples, (...) pour s’installer dans des maisons individuelles ». Puis, le 16 juillet 1981, les Minguettes s’embrasent pour la première fois.

« L’immigration n’est pas une chance »

Conseiller municipal depuis 1977, André Gerin devient maire de Vénissieux en octobre 1985. Il succède à Marcel Houël, décédé prématurément.

De sa ville, l’édile brosse un bien sombre tableau. « Vénissieux est au hit-parade des voitures brulées », écrit André Gerin, « et y demeure jour après jour, année après année ». Racket, trafics, tournantes, mafia, intégrisme, tout y passe. « Il suffit d’une étincelle pour que ça s’enflamme », ajoute le député, craignant que « le pire est encore à venir. (...) Les germes d’une guerre civile sont perceptibles. »

L’ancien maire, auteur de la petite phrase « l’immigration n’est pas une chance pour la France », n’entend pas « fermer sa gueule ». Il part en guerre contre les intégristes, cette minorité « qui pourrit la vie de tout un quartier ». Et de conclure : « Je devais avoir une parole forte. Alors, je me suis complètement débridé quitte à ne plus être dans le politiquement correct. »

Derrière ce discours : la volonté de faire reculer le Front national et « reconquérir l’électorat populaire ». Quitte à tenir à peu près les mêmes propos que le clan Le Pen. En 1995, l’élu vénissian a commandé une enquête Sofrès sur le vote d’extrême droite. « J’ai acquis la conviction que ces femmes et ces hommes qui votent FN, pour la plupart, sont des électeurs ouvriers, employés qui votaient aussi à gauche », note le député.

Sauf que voilà, de « ces mafias, nous ne savons que peu de choses. » Pas plus que des intégristes d’ailleurs, si ce n’est que « tout ce qui est républicain est contesté et (qu’)un sentiment anti-France se développe ».

Ainsi les solutions proposées par André Gerin restent un peu bateau et peu originales : rétablissement de la police de proximité et renforcement des effectifs, prévention et traitement de la délinquance des mineurs, création d’un service national de solidarité obligatoire, droit à la formation en alternance, droit au logement...

La première édition se serait vendue à 2500 exemplaires. La seconde est disponible au prix de 14 euros ou 8,90 euros sous forme d’e-book.

Publié le : mercredi 14 mars 2012, par Michael Augustin