Cette fin de semaine aura décidément été riche en rebondissements. Jeudi à 17h24, une dépêche AFP annonce l’impensable : Dominique Strauss-Kahn, pourtant archi-favori pour l’investiture socialiste, décide de ne pas concourir aux primaires du PS. « Il a dû trouver que ce n’était pas assez bien payé », persiffle Pierre Hémon, chef de file des Verts au conseil municipal, qui ne porte pas le directeur général du FMI dans son cœur. Les 19 331 euros mensuels que Nicolas Sarkozy s’octroie, tiennent effectivement de l’argent de poche à côté des 60 833 euros que DSK gagne au FMI.
D’autres, à l’instar de la mairesse du 1er Nathalie Perrin-Gilbert évoquent un problème de « calendrier », le mandat de directeur général du FMI ne s’achevant que fin octobre 2012. Romain Blachier, adjoint PS à la mairie du 7ème, blogueur et strauss-kahnien patenté, avance une autre explication : « le PS n’est plus en phase avec Dominique Strauss-Kahn. Ils ont verrouillé le programme pour la présidentielle de telle manière qu’il soit incompatible avec DSK. » Avant de dénoncer une « gauchisation dangereuse » du parti.
Jeudi 21h54, un e-mail du service de communication de la Ville arrive dans les rédactions lyonnaises : « Suite à l’annonce du directeur général du FMI Dominique Strauss-Kahn de ne pas prendre part aux primaires du Parti socialiste, Gérard Collomb a décidé de se porter candidat à l’investiture socialiste pour l’élection présidentielle de 2012. Il compte s’engager pleinement dans cette nouvelle mission, dans le but de défendre au sein de son parti, puis devant les Français un projet de politique réformiste et réaliste. » 6 minutes plus tard, une dépêche AFP précise : « Gérard Collomb démissionne de la mairie de Lyon pour se consacrer aux présidentielles », avant de rappeler les ambitions nationales nourries par le premier magistrat de la ville de Lyon.
« Si DSK n’y va pas je me présenterai », avait répété Gérard Collomb encore le 5 mars à l’hôtel Best Western de Perrache, lors du lancement de son livre Et si la France s’éveillait.... Une œuvre programmatique de futur candidat. « Notre imaginaire politique se concentre et s’incarne dans la nation, alors que notre existence politique et économique se joue, d’un côté, dans le monde (par l’Europe), de l’autre, au niveau local (par nos territoires) », y écrit Gérard Collomb. Une vision politique à mille lieux de celle défendue par sa première secrétaire. « Il y a la Martine de Lille, et l’Aubry de Solférino. Elle a deux discours. A Lille, elle est comme moi. Je préfère la Martine de Lille », avait-il confié récemment.
Il ne manquait alors plus qu’une chose pour transformer le rêve présidentiel en feuille de route : l’appui des sondages. C’est désormais chose faite. Après un mois d’omniprésence sur (quasiment) toutes les chaînes de télé et stations de radio pour parler de son bouquin, le message réformiste de Gérard Collomb semble faire mouche. Deux études ont montré coup sur coup que le futur ex-maire de Lyon commence à creuser son sillon. Tout d’abord, un sondage Ifop commandé par le Parti socialiste, le place désormais en troisième position parmi les présidentiables. A la question « quel personnage politique ferait selon vous un bon président ? », 57% des sympathisants de gauche répondent Gérard Collomb, contre 59% pour François Hollande et 64% pour Martine Aubry (choix multiple possible), Dominique Straus-Kahn ayant obtenu 71%. Puis, le dernier sondage CSA pour 20 Minutes, publié jeudi crédite Gérard Collomb de 23% au premier tour de la présidentielle, s’il est désigné candidat, devant Nicolas Sarkozy (22%) et Marine le Pen (20%). Dans ce même sondage, François Hollande obtient 24%, Martine Aubry 26% et DSK 33%. Autant dire que les 3 candidats restants se tiennent dans un mouchoir de poche.
Il n’en fallait pas plus pour pousser le sénateur-maire à franchir le pas. « Il sait que s’il ne bouge pas maintenant, l’attention va retomber et il sera mort », commente Romain Blachier, un proche du candidat. « Depuis l’échec de ses magouilles aux cantonales, il doit se sentir à l’étroit dans la politique locale, il lui faut plus grand », avance Pierre Hémon. Un conseil municipal extraordinaire, lundi 11 avril devra valider l’élection de Thierry Philip pour succéder à Gérard Collomb. Le maire du 3ème sera, lui, remplacé par Najat Belkacem.
La seule question qui reste, et elle est de taille : que se passera-t-il si le maire de Lyon échoue aux primaires ou à la présidentielle ? Ni Gérard Collomb ni Thierry Philip n’étaient joignables jeudi soir pour y répondre.