Menacée par Internet et les journaux gratuits, la presse écrite française ne va pas bien. Tirages et recettes publicitaires en baisse, recapitalisations à répétition et prises de pouvoir de groupes industriels, voire d’hommes d’affaires étrangers, sont autant de signes d’un malaise grandissant. L’Humanité, le journal fondé par Jean Jaurès, qui a fêté ses 100 ans en 2004, ne fait pas exception à la règle. Avec 52 000 exemplaires vendus par jour (75 000 pour l’édition du dimanche), le quotidien communiste a certes réussi à stabiliser sa diffusion mais fait désormais office de petit poucet dans le paysage médiatique français. De plus, le journal souffre de recettes publicitaires faméliques (12,5% de ses ressources), alors qu’il a désormais « l’obligation d’être à l’équilibre », reconnaît Patrick Apel-Muller.
« Faire rayonner le journal », voilà l’objectif des Assises de l’Humanité, organisées dans 5 villes françaises (Toulouse, Lyon, Lille, Nantes et Marseille), avant un meeting de synthèse le 14 mai au Palais des congrès à Paris. « Il y a un droit essentiel à une information pluraliste », clame le directeur de la rédaction du quotidien. « Si le lecteur ne reçoit plus qu’une information unilatérale, comment peut-il exercer son rôle de citoyen ? », renchérit André Ciccodicola.
Et les deux responsables de souligner l’originalité de leur média. « L’Humanité a été le premier à révéler les suicides chez France Télécom, avant que cela ne devienne une affaire d’Etat », s’enorgueillit Patrick Apel-Muller. Et de clamer : « nous avons besoin d’une presse qui prend le contre-pied de l’information officielle. » Idem pour les conflits en Libye et Côte d’Ivoire où le journal « fait entendre une voix différente des autres médias ». Il a ainsi mis en garde contre un enlisement de la guerre contre Khadafi, et révélé les charniers et règlements de compte qui ont accompagnés la victoire de Ouattara. « Pour envoyer des journalistes sur place, nous avons besoin de moyens », prévient toutefois le directeur de la rédaction.
C’est là que le bât blesse car la situation de la presse écrite est loin d’être glorieuse. Raréfaction des points de vente (il en reste moins de 30 000 en France), une impression « mal mutualisée », le coût élevé du portage, autant de problèmes qui accablent les médias imprimés. « Il y a moins de journaux aujourd’hui qu’en 1830 », déplore Patrick Apel-Muller. L’essor de la presse gratuite n’y change rien, selon lui. Financée uniquement par la publicité, elle est « soumise aux pressions des industriels ».
Les Assises s’adressent donc à tous ceux qui « perçoivent la nécessité de transformer la société », selon les termes des responsables de L’Huma. Ils n’étaient pas légion jeudi dernier à la Maison du Peuple dans le 8ème. Une cinquantaine de lecteurs, syndicalistes et militants, s’étaient réunis pour « faire des propositions ». Jugées « intéressantes » par les organisateurs, celles-ci vont être compilées le 14 mai à Paris.