« On pleure beaucoup dans nos permanences », rapporte Françoise Bernillon, la coordinatrice des délégués dans le département. « Nous sommes les témoins d’une insécurité sociale importante », poursuit-elle. « Les affaires traitées concernent des personnes qui vivent dans une précarité de plus en plus grande. » Ainsi, le remboursement d’un trop perçu demandé par une administration, même justifié, prend « tout de suite des dimensions catastrophiques pour une personne qui gagne moins de 1000 euros par mois. »
Les délégués du Médiateur de la République servent d’intermédiaire entre les usagers et les administrations en cas de litige. Il peuvent alors soit simplement informer le demandeur sur une démarche, ou l’orienter vers un autre service, soit adresser une réclamation à l’administration concernée. 713 réclamations ont ainsi été formulées en 2010, dont 71% avec succès. Un taux en hausse de 9 points comparé à 2009. 52% des réclamations concernent le secteur social (pôle emploi, sécurité sociale, retraites...). Toutefois, depuis deux ans le nombre de réclamations concernant EDF, GDF et les fournisseurs d’eau explose. « On a vu apparaître énormément de difficultés », relate Robert Perès, qui tient permanence à Vénissieux. Facturation sur la base d’estimations erronées et absence de relevés de compteur sont les griefs les plus fréquemment formulés.
Dans leur rapport, les délégués racontent le calvaire d’un abonné GDF qui, tombé gravement malade, s’est vu couper son accès au gaz. Or, loin d’être en retard de règlement, l’homme avait même trop payé, sa consommation réelle ayant été largement inférieure à l’estimation faite par GDF. Il a toutefois fallu l’intervention du Médiateur de la République pour que la société veuille bien rectifier ses calculs et rétablir la fourniture de gaz. « La privatisation des services complique la vie des usagers », s’indigne Françoise Bernillon, qui dénonce un « excès de zèle » de la part des officines de recouvrement. « Il faut faire rentrer de l’argent de tous les côtés ».
C’est dans ce contexte que le gouvernement a décidé la suppression du Médiateur de la République et de ses 286 délégués départementaux, lui substituant le Défenseur des droits. Un poste qui intégrera les fonctions précédemment assurées par la Halde, le Défenseur des enfants et la Commission Nationale de Déontologie de la sécurité. « Nous souhaitons que cela ne change rien quant à notre rôle de proximité », réclame Françoise Bernillon. Un rôle essentiel, puisque « dans les quartiers populaires, personne ne ferait valoir ses réclamations s’il n’y avait pas une écoute de proximité », souligne la déléguée. « Est-ce que ça restera organisé comme aujourd’hui ? Nous n’en avons pas la certitude. »