Deux listes de gauche, de mémoire de Décinois, c’est du jamais vu. En 2008, Pierre Crédoz, qui présidait alors aux destins de la ville depuis 17 ans, avait encore réuni toute la gauche sous sa bannière. En 2012, il décide de passer la main à son premier adjoint, Jérôme Sturla.
Depuis, les relations au sein de la majorité se seraient rapidement détériorées. « Un petit groupe concentre toutes les décisions », peste Michel Buronfosse. Mais également avec les habitants. « Les classes populaires et moyennes ne font plus partie des priorités du maire », estime celui qui est adjoint délégué aux transports depuis 1983.
Résultat : une gauche divisée dans une ville qui a voté à droite en 2012. « Ce sont les socialistes qui font liste à part », rectifie le bouillonnant élu qui est rejoint par Farida Boudaoud, adjointe au logement mais écartée de la liste du maire sortant. « Je lui ai simplement indiqué que je voulais composer un exécutif avec des gens à plein temps. Elle est vice-présidente à la culture à la région. Elle ne m’a pas témoigné d’un engagement total à la ville de Décines », expliquait alors Jérôme Sturla sur Lyon Capitale.
Une casquette de cumularde que réfute l’intéressée. « Jérôme Sturla est lui-même conseiller général, président du Grand parc et travaille à côté », pointe l’ancienne membre du secrétariat national du PS, exclue du parti en raison de sa dissidence. Elle estime au contraire avoir été évincée pour avoir « fait de l’ombre » au maire sortant.
Depuis décembre, Farida Boudaoud mène donc campagne au côté de Michel Buronfosse, suivie entretemps par dix autres militants socialistes. « Nous avons construit notre programme avec les habitants », s’enorgueillit l’élue. Une « boite à idées », une boite à lettres rouge, a ainsi circulé dans la ville pour permettre aux Décinois de faire des suggestions, en plus des habituels ateliers participatifs.
« Nous allons refonder la gestion de la ville autour des habitants », promet Buronfosse qui compte créer un poste d’adjoint à la vie quotidienne. « Il n’y a pas assez de trams », pointe l’élu délégué aux transports. « Mais cela ne semble pas être une priorité du maire sortant. » Le candidat s’inquiète aussi du prolongement du tram T5 d’Eurexpo jusqu’à Chassieu. « S’il n’est pas réalisé, c’est la mort annoncé du V-vert. » Ce grand corridor écologique en bordure Est du territoire du Grand Lyon risque en effet d’être envahi par les voitures des supporters de l’OL, chaque soir de match au grand stade. Un projet pourtant soutenu depuis le début par Michel Buronfosse et sa colistière.
Autre pomme de discorde avec le maire sortant : l’avenir de la friche Archemis, un tènement de 10 hectares entre le tram T3 et l’avenue Jean-Jaurès. Jérôme Sturla veut y construire un pôle santé et des logements, pour pallier le départ de la clinique du Grand Large qui fermera ses portes en 2017. « Une connerie », peste Michel Buronfosse qui rêve d’un « projet porteur d’emplois » dans le domaine des « technologies d’avenir ».
Ce mardi soir, sur les fauteuils rouges du Toboggan, il était toutefois surtout question de culture locale, avec en guest stars les So United Crew, hip-hoppers du cru et nouveaux champions d’Europe. Pour aider les talents locaux, Michel Buronfosse compte augmenter la taxe de spectacle sur les futures manifestations au Grand stade. Le surplus, estimé à 2 millions d’euros, doit être affecté « à la promotion de la culture et du sport locaux ».
Sera-t-il en situation de l’imposer au soir du 30 mars ? Rien n’est moins sûr, tellement la multiplication des listes rend l’issue des élections incertaine. Si Décines a en effet l’habitude de voter socialiste aux municipales, elle se positionne clairement à droite aux élections nationales. Nicolas Sarkozy y est ainsi arrivé en tête en 2007 (56,23%) et même en 2012 (50,19 %), tandis que le député UMP Philippe Meunier n’y a fait qu’une bouchée de ses adversaires socialistes. De plus, la gauche doit composer avec une liste dite « centriste » sur laquelle figure Franck Buronfosse, neveu de Michel et président de l’association anti-Grand stade, Carton rouge. En 2008, elle avait récolté 12,66% au premier tour.
Est-ce le désamour des Français pour François Hollande ou le climat local ? Toujours est-il que l’appartenance socialiste du maire sortant ne saute pas aux yeux. Le poing à la rose est absent des documents de campagne et même la traditionnelle couleur rose-fuchsia a été remplacée par l’orange sur les tracts et les écharpes des colistiers.
Depuis, le climat est devenu délétère entre les listes concurrentes à Décines. « Ca va être compliqué de fusionner entre les deux tours », reconnait Farida Boudaoud, avant de glisser : « Moi, je ne me balade pas avec une écharpe du Modem. »
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