Nous sommes au soir du premier tour des municipales 2008. Gérard Collomb a remporté six des neufs arrondissements et est élu maire avant même le deuxième tour. Avec 58,69% des voix, Nathalie Perrin-Gilbert obtient le deuxième meilleur résultat, seul Gérard Collomb fait mieux dans le 9ème (63,13%). La lune de miel est parfaite.
Réélu, le maire de Lyon confie à sa protégée la présidence de la commission des finances au Grand Lyon. Pas pour longtemps. « J’ai eu le malheur de poser une question en groupe de travail sur le doublement de la subvention au centre Jacques Cartier et sur les actions menées par l’OL dans les quartiers, pour lesquelles le Grand Lyon versait 200 000 euros », se souvient l’élue lyonnaise. « On m’a signifié qu’il n’était pas d’usage de demander des comptes à l’OL. » Quelques jours plus tard, la Lyonnaise est débarquée.
Depuis, on ne compte plus les sujets sur lesquels Nathalie Perrin-Gilbert a pris le contre-pied de Gérard Collomb. Sans-papiers, antennes relais, Grand stade, budget du Grand Lyon, à chaque fois, l’élue des Pentes n’hésite pas à faire entendre ses différences, voire à critiquer ouvertement Gérard Collomb.
Comme le 19 septembre 2011 en conseil municipal, où elle reproche au maire de la ville d’avoir fait capoter l’installation sur les Pentes de l’école de la mode Esmod. La réponse de l’intéressé est cinglante : « Je crois qu’il est toujours plus facile de critiquer et de donner des conseils plutôt que de s’efforcer soi-même à résoudre les dossiers. Lorsque j’étais le maire du 9ème arrondissement, je ne laissais le soin à personne d’autre de faire avancer les dossiers qui concernaient mon quartier. » Depuis, le compromis de vente a été signé avec l’école mais le déménagement se fait toujours attendre.
Mais l’élue trace son chemin. En 2008, elle devient secrétaire nationale déléguée au logement au Parti socialiste. Au grand dam de Gérard Collomb « Il était derrière moi quand mon nom a été appelé. En me levant, j’ai vu que ça ne lui faisait pas
plaisir. Car il n’est pas hypocrite », se souvient-elle. A la primaire socialiste, elle roule pour Martine Aubry, lui pour Hollande, à défaut de DSK. Elle fait venir Stéphane Hessel pour un meeting de soutien. « J’ai annoncé cette visite au dernier moment sinon Collomb l’aurait empêchée, d’ailleurs ça n’a pas manqué. Il a essayé. »
En 2011, elle s’affranchit définitivement de la tutelle de son ancien mentor en créant son propre groupe de réflexion, le Gram. Puis, en 2012, sacrilège ultime, elle rejoint aux législatives le candidat du PS et des Verts Philippe Meirieu contre le poulain de Collomb, Thierry Braillard. Le maire met alors tout son poids dans la balance et évince ses adversaires dès le premier tour. La défaite laisse l’élue amère : « Nous n’avons pas perdu ce soir contre Thierry Braillard mais contre un système : le système Collomb, qui repose sur le clientélisme, la menace et le mensonge », assène-t-elle dans un communiqué.
Dès lors, la mairesse se concentre sur son arrondissement où les points de friction ne manquent pas. Comme la Halle Martinière qu’elle aimerait voir rénovée par la ville alors que Gérard Collomb refuse d’investir de l’argent public. Le dossier est toujours au point mort. Puis, le collège Truffaut, désaffecté depuis la rentrée dernière, qu’elle occupe brièvement avec des militants associatifs pour y loger des sans-abris. L’opération lui vaut une garde à vue et un nouveau clash avec le maire de Lyon.
L’alliance avec la gauche de la gauche
Un temps dite proche des écologistes, c’est finalement au Front de gauche qu’elle s’allie en vue des municipales. Elle apporte sa notoriété, les communistes la force militante. Ensemble, ils bâtissent un projet pour l’arrondissement qui comprend notamment la réquisition des bâtiments désaffectés. Car les mètres carrés vides ne manquent pas dans l’arrondissement : l’église Saint-Bernard, le collège Truffaut, l’ancienne école des Beaux-Arts, la galerie des Terreaux... Les projets non plus : auberge de jeunesse, crèches aux horaires décalés, cuisine solidaire recyclerie, gymnase, musée de l’esprit coopératif, espace multimédia sur le périmètre Unesco...
Pour la contrer, Gérard Collomb investit dans le 1er arrondissement Odile Belinga, une avocate d’origine camerounaise et ancienne présidente de la Ligue des droits de l’homme dans le Rhône qui promet de « reconnecter » l’arrondissement à la mairie centrale.
Nathalie Perrin-Gilbert ne l’entend évidemment pas de cette oreille. Elle compte sur la légitimité des urnes pour imposer ses idées et espère « un vote clair des électeurs » en faveur de son projet, que Gérard Collomb devra alors respecter. « Ca va très bien se passer », veut-elle croire. Quant aux éventuelles alliances, elle dit ne pas être « dans une logique d’entre-deux-tours ». Et d’ajouter : « On n’exclut pas de gagner au premier tour. »
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